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Alors que Shell a négocié un arrangement financier dans le procès qui l'opposait à des plaignants nigérians pour violation des droits humains, un nouveau rapport d'Amnesty international rappelle les désastres sociaux et environnementaux causés par les activités pétrolières au Niger.

Accusée de complicité dans l'exécution, en 1995, de l'écrivain nigérian Ken Saro Wiwa et de huit autres  rebelles Ogonis qui luttaient contre les conditions d'exploitation pétrolière dans le delta de Niger, et plus particulièrement contre les pratiques de torchage au gaz,  Shell a préféré éviter le procès et verser 15,5 millions de dollars aux plaignants. Le groupe niait pourtant toute responsabilité dans leur exécution et a toujours affirmé avoir tenté de convaincre le gouvernement de gracier les rebelles.



Les plaignants soutenaient au contraire disposer de preuves de culpabilité, à verser dans le procès qui devait voir lieu aux Etats-Unis. Le 8 juin dernier, un arrangement a été trouvé par les avocats des deux parties, après plus de dix années de conflit. Pour Shell, il s'agit d' « un processus de réconciliation ». 
Le groupe explique par ailleurs qu'il peut contribuer au développement local et à la création d'emplois, mais qu'il « ne peut se substituer au gouvernement, en dépit des attentes des nigérians ».



La transaction entre Shell et les plaignants ne résout en rien les problèmes causés par les activités du groupe, dont le dernier rapport d'Amnesty International publié le 30 juin 2009 fait état. Intitulé « Nigeria. Petroleum, pollution and poverty in the Niger Delta », le rapport explique comment  l'industrie pétrolière du delta du Niger a entraîné, pour la majorité des personnes des zones concernées, la paupérisation, les conflits, les atteintes aux droits humains et le désespoir.



Le rapport décrit comment des décennies de pollution et de dégradation de l'environnement causées par l'industrie pétrolière ont privé des centaines de milliers de personnes du droit à un niveau de vie décent, qui passe notamment par un accès suffisant à la nourriture et à l'eau, mais aussi du droit de gagner sa vie en travaillant, du droit à un environnement sain et du droit à la santé.



« Les compagnies pétrolières profitent depuis trop longtemps de la faiblesse du système réglementaire nigérian, a déclaré Audrey Gaughran d'Amnesty International. Elles ne prennent pas des mesures suffisantes pour éviter les dégâts environnementaux et souvent elles ne se préoccupent pas des conséquences dévastatrices de leurs mauvaises pratiques sur la vie des habitants ». Au fil des années, le delta du Niger est devenu l'emblème de la « malédiction des ressources », tant le contraste entre les revenus pétroliers et l'extrême pauvreté de la région est considérable. Non seulement les populations locales n'ont pas profité des bénéfices engendrés par l'activité pétrolière - le rapport cite le chiffre de 600 milliards de dollars depuis les années 60-, mais la pollution des zones de production les a, au final, privé de leurs ressources.



Après presque 60 ans d'exploitation, la pollution causée par les fuites d'oléoducs ou émises par les torchères de gaz* brûlé à ciel ouvert est omniprésente dans le delta du Niger. Elle rend les champs infertiles, l'eau impropre à la consommation et pollue fortement l'atmosphère. La fréquence des fuites dans certains secteurs a notamment conduit à la disparition complète de toute espèce de poisson. De son côté, Shell affirme que ces fuites sont dues aux actes de vandalisme des rebelles sur les zones de production.



Pour les organisations écologistes, ces dégradations sont bel et bien la conséquence du mépris longtemps montré par les groupes pétroliers au Nigeria pour l'environnement. Elles en veulent pour preuve la poursuite extensive du torchage de gaz alors que la pratique a été formellement interdite voici plus de 25 ans.



En 2006, la Banque mondiale a pris l'initiative de lancer des partenariats publics/privés avec les gouvernements et les compagnies pétrolières, pour mettre fin à cette pratique. « Les substances toxiques répandues par les fumées des torchères empêchent les populations de vivre dans un environnement sain," a-t-elle rappelé. Au Niger, pays où a été le plus pratiqué le torchage, des communautés locales ont porté plainte en juin 2005, soutenues par les Amis de la Terre  et l'ONG Environmental Rights Action, contre le Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) et le gouvernement nigérian, ainsi qu'à l'encontre du consortium constitué par Shell, Exxon, Chevron, TotalFinaElf et Agip, afin de faire cesser le  torchage.



En novembre 2005, la Haute Cour Fédérale du Nigéria a ordonné aux compagnies pétrolières d'arrêter le torchage dans le delta du Niger, invoquant la violation des droits de l'homme. Mais la pratique a continué, avec la complicité du gouvernement nigérian.

 

 


Peu réglementé, le pays est le théâtre d'affrontements entre des groupes armés et les forces de sécurité, ainsi que de violences intercommunautaires. Crimes, prises d'otages, vol de pétrole à grande échelle, enlèvements des employés des compagnies pétrolières.



La répression du gouvernement n'a fait qu'attiser la colère et le ressentiment des populations. Faute de réparations et de compensations de la part des compagnies, cette crise endémique a peu de probabilités de s'atténuer.

 


*Le torchage consiste à brûler, par des torchères, des rejets de gaz naturels à différentes étapes de l'exploitation des gaz et pétroles. Cette pratique a deux impacts négatif sur l'environnement : elle gaspille la ressource et  constitue une importance source d'émission de CO2.



Véronique Smée sur www.novethic.fr le 3 juillet 2009.

 


PS
Greenpeace a publié en mai dernier, le jour de l'assemblée générale du groupe, une étude qui dénonce les choix de mode de production de gaz et de pétrole faits par Shell. Selon cette étude, ils vont conduire la compagnie à augmenter de 85 % ces émissions de carbone dans les années à venir et font d'elle « la  compagnie pétrolière la plus productrice de carbone du monde ». L'ONG environnementale qui s'est indirectement adressée aux actionnaires souligne le « risque carbone » très lourd qui pèse sur Shell et espère qu'il découragera les investisseurs. Elle établit un classement où Shell est beaucoup plus handicapée que ses principaux concurrents, y compris Exxon qui était jusque la désignée par les défenseurs du climat comme la « pire compagnie pétrolière. »

Tag(s) : #Droit de l'Homme
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