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Propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières dans Le Monde du 16 février 2013

 

DANIEL COHN-BENDIT ne se représentera pas lors des élections européennes de 2014. Mais le député européen, coprésident du groupe des Verts, entend toutefois se battre contre la baisse du budget européen décidée par les Vingt-Sept le 8 février.

 

 

 

Que reprochez-vous à ce compromis budgétaire ? Pourriez-vous ne pas le voter ?

 

Ce budget est rétrograde, conservateur, et perpétue les erreurs des budgets européens sans vision de l'Europe. Il ne correspond pas à la nécessité de relancer l'économie par l'Europe. Les chefs d'Etat des Vingt-Sept ont défendu des intérêts nationaux et non une vision collective de l'intérêt général européen. Voilà ce que reproche la grande majorité des députés européens. Il y a donc de grandes chances que le Parlement européen refuse ce budget afin qu'il n'entre pas en vigueur.

 

Qu'avez-vous pensé de la position française ?

 

Je crois que François Hollande a fait une erreur en disant que c'était un bon compromis. C'est un mauvais compromis. Le problème, c'est de savoir si un autre compromis était possible. Je l'ignore. Mais il faut passer à une autre forme de budget européen, fondé sur des ressources propres, sur un impôt européen et non plus sur des contributions nationales. Ces dernières donnent le pouvoir à l'égoïsme national et non à une vision européenne.

 

Y a-t-il eu, dans cette affaire, un axe Berlin-Londres ?

 

Il y a eu une ligne dure Cameron-Merkel. L'Italie et la France ont essayé de résister, mais il y a eu un rouleau compresseur dans la logique des institutions intergouvernementales telles qu'elles existent. Le président du Conseil européen n'est qu'une marionnette : M. Van Rompuy a exécuté les volontés de Mme Merkel et de M. Cameron sans leur opposer une vision européenne. Il faut aussi rappeler que Mme Merkel, M. Cameron et M. Van Rompuy sont des gens de droite.

 

Que diriez-vous de l'état des relations franco-allemandes ?

 

Les relations franco-allemandes sont normales. Il y a des hauts et des bas, des conceptions politiques différentes et des moments historiques, comme Kohl-Mitterrand à Verdun ou Chirac et Schröder main dans la main pour s'opposer aux Américains sur l'Irak... Ces relations ont toujours été des moments difficiles de discussion et de négociation. Sarkozy et Merkel ne s'entendaient pas : Mme Merkel ne comprenait pas Sarkozy, qui lui-même ne la comprenait pas. Seulement, ils ont essayé de former un directoire pour diriger l'Europe, mais ils ont souvent fait flop.

 

M. Hollande vous semble-t-il isolé aujourd'hui en Europe ?

 

Non. François Hollande a fait ce qu'il a pu, et il a vu qu'il ne pouvait pas grand-chose. Il y a des pays européens qui soutiennent sa position, mais il est vrai qu'au niveau de l'intergouvernementalité on n'arrive pas à faire évoluer les politiques européennes. Il faut aller vers plus de fédéralisme. On ne sortira pas de cette crise politique en Europe en disant que c'est le Nord ou le Sud qui a raison. Ils ont tort tous les deux.

 

Lorsqu'il avait repris à son compte le traité européen, M. Hollande avait insisté sur les 120 milliards d'euros pour la croissance. Aujourd'hui, il approuve la baisse des crédits. Est-ce un renoncement ?

 

Là encore, il n'a pas eu la capacité de l'imposer. La leçon de l'histoire, c'est de croire qu'aujourd'hui on change le fonctionnement de l'Europe en tant que gouvernement. L'erreur de François Hollande est là. Si, avec d'autres forces politiques, nous arrivons à faire émerger cette majorité positive au Parlement européen contre ce budget négatif, l'Europe aura un autre visage après l'été.

 

La France ne tient pas ses prévisions de déficit en 2013. Y voyez-vous un problème ?

 

Non. Parce que la France fait un effort pour stabiliser ses finances publiques. Ce que je trouve juste. On me dit qu'on ne peut pas le faire car on est en crise, mais cela fait vingt ans qu'on creuse les déficits publics sans améliorer la situation économique de la France. Aujourd'hui, la relance économique passe par l'Europe. Prenez l'exemple de Barack Obama. Si vous relisez son discours sur l'état de l'Union, il aurait refusé ce budget en Conseil européen. Seulement voilà, François Hollande n'est pas les Etats-Unis.

 

Le ralentissement économique dans la zone euro plaide-t-il pour une plus grande souplesse dans l'assainissement budgétaire ?

 

Non. Cela plaide pour une mobilisation de fond afin de relancer l'économie. Si on repart par une relance de l'Europe, il ne faut pas assouplir l'effort budgétaire. Si vous voulez sauver l'automobile en Europe, et donc en France, si vous voulez sauver la sidérurgie, vous devez le faire par l'Europe. Vous ne pouvez pas le faire au niveau national. Cela ne suffit plus.

 

 

 

Tag(s) : #L'Europe
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