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Les marchés se trouvent dans "la situation la plus difficile depuis la deuxième guerre mondiale, voire depuis la première. Nous avons vécu et vivons des temps véritablement dramatiques", tel était le constat du président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, dans l’hebdomadaire Spiegel du 17 mai dernier.

 


Ce grand argentier de l’Europe avait raison. A la fin de la semaine passée, une certaine idée de l’Europe, fondée sur un euro fort, s’est effondré ; nous avons eu l’impression de revivre la faillite de Lehmann Brothers, en septembre 2008. Au delà de l’impression, nous vivons au jour le jour la fin d’un cycle de soixante ans. L’Europe rêvée par Jean Monnet et Jacques Delors et tant d’autres, arrive à son terme. Faite de petits pas, de compromis, de domaines réservés, d’une bureaucratie hors contrôle démocratique et loin des peuples, cette Europe-là est à bout de souffle. Elle n’a pas résisté à la mondialisation à laquelle elle aurait dû apporter des réponses. Sa stabilité est menacée par les spéculateurs, sans que les États ne trouvent de solutions politiques à la crise, à part faire payer ceux d’en bas. Car c’est bien de politique qu’il s’agit et pas de recettes économiques ou monétaires miracles.

 

 

L’Europe est malade d’avoir raté son tournant démocratique, d’avoir élargi son périmètre sans approfondir son unité. Souvent qualifiés de Cassandre pour avoir prévu ce risque majeur depuis des années, nous y sommes aujourd’hui. C’est le Président Obama et non le président de l’Europe qui a convaincu la Chancelière Merkel d’accepter de revoir sa politique. Ce sont « les marchés » qui ont fait plier les 27 et non leurs peuples. Pourtant, malgré cette leçon de choses, l’imperturbable, Mr Barroso, dont la messe a été dite depuis si longtemps, somme les États de souscrire à une sorte de corps d’inspecteurs de la Commission, transformée en FMI européen, qui iraient contrôler sans mandat la bonne ou la mauvaise santé des États de l’Union.

 

 

 

Sans contrepartie, sans budget fédéral européen, sans harmonisation fiscale. Ce n’est donc pas le fédéralisme qui s’avance, mais son contraire : un État européen centralisé. Qu’est-ce que le fédéralisme sinon la démocratie partagée, la coordination de politiques sous contrôle démocratique ? Monsieur Barroso veut continuer ce qui a failli : la construction par le haut de l’Europe. Il n’a rien compris au rejet du TCE en 2005 ou à la crise de 2010. Il veut appliquer à l’ensemble de l’Europe la saignée infligée à la Grèce. Il cherche à donner la gestion politique, économique et monétaire de l’Europe aux missi dominici des salles de marché des places boursières de la City, de la Bourse de Paris, de Francfort et de Wall Street. Entendons nous bien : il ne s’agit en aucun cas de revenir à un nationalisme dépassé où les égoïsmes d’Etat s’affronteraient après un retour au Franc, au Mark ou à la Lire. Au contraire. Il faut défendre fermement l’Euro et s’engager résolument dans la construction d’un gouvernement économique européen mais pas au prix de la dictature « éclairée » des marchés.

 


Nous sommes à l’heure du choix. L’Europe, on le sait, n’avance que dans les crises. Celle-ci aura été salutaire si elle débouche sur une avancée démocratique réelle, si le Parlement Européen prend la main, en coordination avec les Parlements des États et contrôle réellement la Commission.

 

 

A une politique de démantèlement des acquis sociaux et des services publics, nous préférons un plan d’investissement européen dans les technologies et les emplois verts. Nous avons besoin d’un redéploiement de nos filières industrielles et d’une autre politique agricole commune ; nous avons besoin d’un effort sans précédent de la recherche, de l’innovation et de l’éducation ; nous avons besoin d’un budget européen, d’un grand emprunt européen, d’une harmonisation fiscale européenne. Tout cela doit se faire dans la clarté, la transparence et le respect de la volonté des citoyens européens. Prendre la mesure de la crise actuelle signifie que le parlement européen doit en saisir la gravité et en tirer la conclusion politique logique : se déclarer en Constituante.

 

 

Mais les dirigeants européens, enfermés dans leurs contradictions, confrontés à des intérêts contradictoires, font ce qu’ils savent faire de mieux : jouer la montre en attendant l’hypothétique recours à une croissance magique venue d’outre-atlantique, de Chine et des pays émergents. Ils se leurrent et trompent leurs peuples, en leur faisant croire que le mode de vie des Trente Glorieuses sera maintenu, dans le gaspillage et l’hyperconsommation, sans que rien ne change. Dans le même temps, ils s’attaquent frontalement aux plus fragiles, taillant dans les budgets sociaux et voulant même faire payer les retraités, comme vient de le préconiser le principal responsable d’un think-thank « socialiste ».

 


Dans cette Europe déboussolée, seul un tabou subsiste, celui du profit. Il serait ringard et populiste de s’attaquer aux prédateurs, aux traders, aux banquiers, aux spéculateurs, aux multinationales. On nous explique à longueur de colonnes que les emplois s’envoleraient en Chine ou en Inde, que les délocalisations exploseraient, que les riches partiraient par milliers en Suisse ou dans les paradis fiscaux.

 

 

Mais alors, qui doit payer la crise ? Les Diafoirus qui en sont responsables ou ceux qui en subissent les effets ? Ce week-end, trois mille personnes se sont retrouvées dans le massif des Glières, anciens et nouveaux résistants, pour protester contre le rapt que Sarkozy a opéré sur les valeurs du Conseil national de la Résistance et dire leur refus du démantèlement du programme du CNR. Si, comme le dit Jean-Claude Trichet, nous connaissons la crise la plus grave depuis la seconde guerre mondiale, alors il faut un nouveau programme du CNR, mais aux couleurs européennes. Les résistants à la crise des 27 pays de l’Union devraient s’unir autour d’un programme de justice sociale, redistributive, environnementale et démocratique. Ils fonderaient un pacte social pour une République fédérale européenne, sociale et écologique. Un pacte européen contre les injustices et les inégalités, pour la dignité et l’égalité, voilà qui aurait de quoi réveiller les consciences européennes endormies.

 


J’entends déjà les critiques de nos « sachants » d’aujourd’hui : utopiste, irréaliste, démagogique. Les véritables ennemis du changement sont pourtant ceux qui prônent l’inertie, l’impuissance et la soumission aux puissants. L’Europe n’est pas à la solde des agences de notation, des courtiers et des entreprises du CAC 40, elle sera ce que nous en ferons. Notre destin n’est pas écrit.

 

Noël Mamère, le 17 mai 2010

 


PS/1. Clotilde Reiss libérée. Très bien. Mais ce serait mieux que l’on en finisse avec l’hypocrisie. Qu’est-ce qui a été donné en échange aux iraniens ? Pourquoi l’accord n’a t il pas été fait depuis six mois ? Faute de transparence, la dictature iranienne va instrumentaliser cette affaire contre ses opposants et contre la France. Dommage.

 


PS/2. L’Iran, toujours. Les présidents turc et brésilien viennent de ratifier un accord sur le nucléaire iranien à la barbe des chancelleries occidentales. Au-delà de cet accord - dont on peut douter connaissant la duplicité de Téhéran - c’est un fait historique : les pays émergents prennent de plus en plus le pas sur les grandes puissances du Nord. Ce n’est qu’un début. Cela modifie considérablement le jeu politique international. Si ce type d’alliance se manifestait dans d’autres occasions, comme la gestion des ressources naturelles, cela transformerait profondément la géopolitique. Le monde multipolaire ne serait plus un rêve de politologues mais pourrait accoucher d’un nouvel ordre mondial. Preuve que l’histoire n’est jamais finie.

 

Tag(s) : #actualités internationales
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