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145e

Lors de la soirée en soutient aux cinéastes Jafar Panahi et Mahammad Rasoulov à la Cinémathèque française le mercredi 2 février, la Société des Réalisateurs Français a annoncé qu'elle remettrait cette année le Carrosse d'Or à Jafar Panahi.

 

 

Nous vous informons à propos de la décision de justice islamique en Iran, prise à l’encontre de Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof, cinéastes, condamnés à 6 ans d’emprisonnement et 20 ans d’interdiction de travailler.

 

 

Martin Scorsese a déclaré le 22 décembre qu’il fallait passer à l’action. Nous avons lancé une mobilisation de soutien et de protestation dans ce sens. Rafi Pitts – cinéaste iranien vivant en France – proche de Panahi et Rasoulov, a appelé à un arrêt de travail de l’industrie cinématographique partout dans le monde, le 11 février entre 12H30 et 14H30 (heure de Paris).

Cette date historique correspond au 32è anniversaire de la Révolution iranienne.

 

L’Iran contre ses artistes

 

Le 20 décembre 2010, Jafar Panahi (50 ans, Lion d’or à Venise avec Le Cercle, Ours d’argent à Berlin avec Hors jeu) et son collaborateur Mohammad Rasoulof, ont écopé l’un comme l’autre d’une peine de six ans de prison, assortie d’une interdiction d’exercer leur métier de cinéaste durant vingt ans. Vu de France, les raisons de cette condamnation sont ahurissantes, ubuesques, kafkaïennes : le régime iranien ne reproche pas aux deux artistes d’avoir tourné un film qui enfreint la loi en vigueur à Téhéran. Non, elle leur reproche quelque chose de plus inimaginable, de plus assourdissant encore : avoir eu l’idée d’un « film de propagande contre la République islamique ».

 

 

Penser un film, en écrire pour soi le projet, en parler avec un collaborateur à la suite d’une manifestation, est désormais un crime passible de prison. Sauf erreur, c’est une première dans le monde. Le régime tenu par Ahmadinejad sait pertinemment que la plus lourde des deux peines est celle qui empêchera les deux cinéastes d’être ce qu’ils sont pour deux décennies. On peut penser que, comme souvent dans le discours iranien, on a manié avant tout du symbole. Les vingt ans d’interdiction d’exercer appellent l’idée qu’un régime aussi menacé que celui d’Ahmadinejad règne tout-puissant toutes ces années encore, sans bouger d’une position. On peut espérer que les mouvements du monde auront d’ici là fait changer les lignes. Les six années d’emprisonnement sont-elles évitables ? C’est la lutte du symbolique contre le symbolique : on a vu naître, dans les 24 heures qui ont suivi la prononciation de la sentence, une pétition réunissant les plus grands noms du cinéma international, hommes et institutions rassemblés.

 

 

Elle est aujourd’hui suivie d’un appel de cinéastes iraniens (dont Rafi Pitts, basé à Paris) demandant aux cinéastes du monde entier comme à tous autres membres de l’industrie cinématographique de débrayer le travail durant deux heures, de 15 h à 17 h, le 11 février.

 

 

Cette date coïncide avec les festivals de Téhéran et de Berlin, mais elle est surtout celle du 32e anniversaire de la révolution iranienne. Car comme le rappelle Rafi Pitts dans sa lettre adressée le 24 décembre à Ahmadinejad : « Est-ce un crime pour un cinéaste de vouloir questionner la réalité ? Avez-vous si peur d’un point de vue qui discute le vôtre ? Dans ce cas, pourquoi alors, répondez-moi, avons- nous eu une révolution ? »

Philippe Azoury

 

 

Lettre à Ahmadinejad

 

En 1979, il y a eu une Révolution. Sa commémoration, le trente-deuxième anniversaire de notre révolution iranienne, se tiendra le 11 février 2011. Je vous rappelle ces faits car j’ai l’impression que vous en avez oublié les causes. Je me trompe peut-être, ou peut-être devriez-vous vous expliquer. Vous avez peut-être votre propre définition de notre révolution… Dans ce cas, je pense que vous devriez répondre à la question: “Pourquoi avons-nous eu une révolution en 1979 ?”

 

 

Le temps est également venu de clarifier vos raisons pour l’éviction des cinéastes. Vos raisons pour vouloir sacrifier une vie, une carrière, au nom de la Révolution, ou peut-être ma question n’est-elle pas la bonne : ne s’agit-il pas tout simplement de votre réélection ?

 

 

Jafar Panahi, l’un de nos plus importants cinéastes, un ami proche pour lequel j’ai grand respect et admiration, est actuellement emprisonné, par votre gouvernement, par votre loi. Il est condamné à six ans pour avoir voulu faire un film, un film qu’il n’a même pas réalisé. Six ans de prison pour en avoir eu l’idée. A cela s’ajoutent vingt ans d’interdiction d’exercer son métier et vingt ans d’interdiction de sortie de territoire. Mohammad Rasoulof, un autre jeune cinéaste important, se trouve également condamné aux mêmes peines. Son crime : avoir travaillé avec Jafar Panahi.

 

 

Ils sont tous deux punis de s’être intéressés à leurs compatriotes. Punis d’avoir voulu comprendre les événements de juin 2009. Punis de s’être préoccupés des vies perdues dans les conflits issus des élections. Dois-je vous rappeler que les candidatures étaient validées par le régime ? Les choix étaient clairs et parfaitement légaux. Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof ont pris leur décision aux côtés de la majorité de notre industrie cinématographique. C’est devenu le Mouvement Vert. C’est un droit qui nous avait été donné.

- Y-a-t-il un problème à vouloir comprendre pourquoi des gens sont morts lors de nos dernières élections?

- Pensez-vous que le pays ignore les violences provoquées par les résultats de ces élections ?

- Est-ce un crime que Jafar Panahi veuille faire un autre film ?

- Est-ce un crime que Mohammad Rasoulof veuille questionner la réalité ?

- Est-ce parce que les cinéastes veulent tendre un miroir pour questionner la société ?

- Avez-vous peur d’un point de vue qui contredirait le vôtre ?

Dans ce cas, répondez à la question: “Pourquoi avons-nous eu une révolution?”

Rafi Pitts

Paris, le 24 Décembre 2010.

 

Tag(s) : #actualités internationales
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