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Interview recueilli par Bernard Mazières dans le Parisien du 29 octobre.


Député Vert et maire de Bègles (Gironde), Noël Mamère ne croit pas vraiment à l'efficacité des mesures prises par Nicolas Sarkozy pour juguler la crise économique et sociale. Pour lui, le chef de l'Etat s'agite beaucoup mais... sans grands résultats.


Crise aidant, vous félicitez-vous du retour de l'Etat ?

Ce n'est pas réellement le retour de l'Etat. C'est le retour de l'Etat pour sauver les banques. Ailleurs, l'Etat est particulièrement défaillant dans les collectivités locales qui représentent pourtant la vitalité du pays. Il recule également dans l'éducation, la santé, la culture et le social. Depuis qu'il est en place, le gouvernement s'est attaché à ajouter chaque jour une page au code pénal et à déchirer chaque jour une page du code du travail. Le dernier exemple de schizophrénie politique du président de la République est l'annonce hier qu'il a faite dans les Ardennes de relancer les contrats aidés et, de l'autre côté, d'autoriser le travail le dimanche. Pour moi, le retour de l'Etat est un leurre tant qu'il n'y aura pas une politique en direction des plus vulnérables de notre société et tant qu'on maintiendra le bouclier fiscal et les parachutes dorés. Les Français doivent découvrir le vrai visage du sarkozysme, à savoir une forme de néoconservatisme à la française.



Prôner les emplois aidés, c'est pratiquer pourtant les méthodes Jospin. Mais est-ce suffisant face à la crise ?

Ces emplois, ce n'est qu'un pansement sur un grand corps malade. On ne peut pas s'en contenter. Il faut développer beaucoup d'autres outils. Je pense aux plans locaux d'insertion par l'emploi qui sont aujourd'hui négligés et menacés, à la recherche, à l'innovation. Aujourd'hui, ce que l'on propose ce sont des emplois au rabais.


Pour vous, le compte n'y est pas.

Non. Mais vous savez, la crise sociale n'a pas attendu la crise financière internationale. Elle était là depuis l'élection du président de la République. Pendant ces 18 mois, le pouvoir a fait beaucoup de cadeaux aux plus riches: le bouclier fiscal, la franchise médicale...
En France, on est victime d'une double crise : celle liée à la politique gouvernementale et celle financière.



Saluez-vous quand même le volontarisme de Nicolas Sarkozy ?

C'est un agité. Je ne sais pas s'il est volontaire en tous cas, il bouge. Mais bouger ne constitue pas une politique. Sarkozy est plus un imprécateur qu'un président de la République faisant face à une crise politique profonde. Il est aussi paumé que beaucoup d'autres face à l'ampleur du séisme. Il veut lutter contre les paradis fiscaux mais qu'est-ce qu'il fait contre les banques françaises qui ont des filiales dans ces paradis pas forcément exotiques (Luxembourg, Irlande, Grande Bretagne)? Rien. En réalité, il jette un nuage de fumée pour faire croire à l'opinion qu'il agit pour réformer le capitalisme mondial. Mon oeil!


L'Union européenne est-elle à la hauteur ?

Cela fait longtemps que les écologistes réclament une europe fédérale. C'est à dire une europe qui gouverne en matière économique, sociale, écologique et affaires étrangères. On en est loin. Aujourd'hui, c'est le retour de l'Etat nation.



Un gouvernement économique européen n'est pas possible ?

En fonction de l'évolution de la situation, on sera peut être contraint de se replier sur un noyau dur d'un certain nombre de pays de la zone euro. Mais pour l'heure, je constate que Nicolas Sarkozy joue plutôt perso. Il veut tout être, tout imposer, se prend pour le président du monde ! Il faut qu'il arrête cette espèce de mégalomanie. Quand on est déjà président de l'Union européenne, on tient compte de ses partenaires.


L'Union Europe-Ecologie, créée notamment avec Dany Cohn-Bendit, semble bien démunie pour faire entendre sa voix dans cette crise ?

Au contraire! L'heure de l'écologie a sonné. La croissance verte est devenu le nouveau graal d'un capitalisme qui a montré ses limites et son obscénité. Je suis pour le développement d'une économie écologique. Cela veut dire s'orienter vers un autre mode de vie et de consommation, passer d'une société d'ébriété énergétique à une société de sobriété énergétique. C'est essayer à la faveur de cette crise de montrer que notre projet est adapté au monde d'aujourd'hui. Car au-delà de la crise économique, politique et sociale, il y en une autre: la crise écologique. Ne rien faire, ne rien prévoir, c'est prendre le risque pour les gouvernements d'être accusés de crimes contre l'Humanité.


N'est-ce pas très loin des préoccupations actuelles des Français ?

C'est au coeur de leurs préoccupations! Investir aujourd'hui dans l'habitat, le développement durable, c'est créer des emplois non délocalisables. Ce n'est pas moi qui le dit mais le dernier rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT).


Pourquoi alors les Verts n'ont-ils pas voté à l'Asssemblée le Grenelle 1 de l'environnement ?

Parce que le Grenelle 1, ce n'est que du baratin. Et que le Grenelle 2 qui doit tout mettre en musique n'est même pas programme ! Mais il aura une deuxième lecture et on espère que le gouvernement fera mieux au match retour qu'au match aller.


Bientôt le congrès du PS. Vous êtes plutôt Delanoë, Aubry ou Royal ?

Je préfère parler de notre congrès qui aura lieu le 5 et 6 décembre à Lille. Il doit être un congrès de rassemblement pour préparer les élections européennes. Les Verts ont compris cette nécessité de rassemblement, on devrait avoir moins de souci que les socialistes.


Dans moins d'une semaine, l'élection américaine. Etes-vous Obama ou McCain ?

Obama, évidemment! D'abord, pour le symbole qu'il représente. N'oublions pas qu'au début des années 60, les noirs étaient victimes de ségrégation et de discrimination. Mais au-delà des questions de couleur, Obama va apporter un véritable bol d'air après huit ans de Bush. Cela dit, ne nous faisons pas trop d'illusions, Obama élu ne changera pas fondamentalement son pays. Il est inscrit dans une culture américaine. Il n'empêche, psychologiquement, ce sera un choc pour l'ensemble du monde.


Que pensez-vous de la réforme de l'audiovisuel, vous ancien journaliste de television ?

Nous sommes là face à quelqu'un -Nicolas Sarkozy- qui a décidé de rendre la monnaie à ceux qui lui ont permis d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir. Nous sommes dans un système mafieux. Je suis d'ailleurs en train de préparer un pamphlet sur ce sujet qui va s'appeler "La mafia de l'audimat". Nicolas Sarkozy est en train de servir ses copains, il écrit la chronique de la mort annoncée du service public de l'audiovisuel. Entre autres reculs, la nomination du président de France-Télévision par le chef de l'Etat. Il y a une atteinte au pluralisme. On est là au coeur de la république bananière. On se battra comme des chiens contre ce projet.

Tag(s) : #La vie des VERTS
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