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C’est un marronnier comme on dit dans la presse. A la fin décembre , on fait le bilan de l’année écoulée et on se gargarise des bêtisiers , des tops et des flops, de la nécrologie et des évènements heureux, des guerres et des conflits sociaux, des résultats électoraux. Chaque année a ses héros, ses méchants, ses victimes. On regarde d’un air distrait le coin du poste et la vie continue.


Pourtant, quelques fois par siècle, comme en 1989 ou en 2001, des évènements tels que la chute du Mur de Berlin ou le 11 septembre, signent la fin d’une époque ou le début d’une nouvelle ère. L’année 2008 est de ce cru là. A leur manière, deux évènements auront été des marqueurs du temps :

- L’élection de Barack Obama, premier afro - américain à devenir Président des Etats-Unis, symbole d’une Amérique métissée qui refuse le néo-conservatisme des élites du pétrole et de l’armement ; il annonce la fin d’un monde unipolaire. L’hégémonisme des Etats- Unis s’est effondré dans les villes et les déserts d’Irak et d’Afghanistan. Désormais, un monde nouveau est en train de s’ébaucher, avec des puissances émergentes, nées des marches et des marges des empires coloniaux. Barack Obama défendra les intérêts des Etats-Unis, n’en doutons pas. Il entretiendra la guerre en Afghanistan, soutiendra les exportations de l’agriculture prédatrice de son pays, bourrées d’OGM, mais le dialogue et la négociation feront, cette fois, partie de son mandat et c’est tant mieux. Enfin, pour les minorités visibles du monde entier, pour les populations noires d’Afrique, c’est le signal de la fin d’une certaine occidentalisation blanche du monde qui est donné : une famille noire va occuper une Maison Blanche.

- L’autre événement, déterminant pour l’avenir du monde, c’est la crise financière qui s’est accélérée en octobre dernier et a ravagé l’économie mondiale, tel un tsunami. Nous n’en sommes qu’au début mais, déjà, des centaines de milliards sont partis en fumée. On pense, évidemment, à 1929 mais il est toujours hasardeux de chercher ses références uniquement dans le passé. La crise d’aujourd’hui ne se produit pas dans le même monde. Son issue ne se trouve ni dans une relance de la croissance pour la croissance, ni dans la guerre...Même si ces deux options ne sont pas à évacuer.

La sortie positive de la crise ne se fera que dans l’affrontement entre deux modèles de développement, l’un reposant sur le productivisme, l’autre fondé sur la sobriété, cette "décroissance équitable", qui n’est plus seulement une utopie pour écolos radicaux mais une nécessité. Ce qui n’est plus supportable, après la crise d’octobre, c’est l’impunité de la délinquance économique et financière. Alors que l’on juge et met en prison des milliers de petits larrons, les grands voleurs du CAC 40 jouissent de leurs stocks option et dividendes , dans des paradis fiscaux exempts de tout contrôle. Le monde global qui se dessine ne pourra plus supporter l’apartheid planétaire où, des riches de plus en plus riches, vivent cloîtrés, à l’abri de forteresses hors- la-loi, tandis que près d’un milliard d’hommes, de femmes et d’enfants meurent de faim dans les bidonvilles et les banlieues délaissés.


Trois hommes, décédés la semaine dernière, exprimaient à leur manière ce changement de paradigme et cette crise morale qui atteint le cœur du système.


L’un, Thierry Magon de La Villehuchet, financier français installé à New -York, s’est suicidé le 23 décembre pour avoir fait confiance à celui qui personnifiait la philanthropie des requins de la finance, Bernard Madoff, l’ancien président du Nasdaq. Il y a quelques années, la première victime de cette escroquerie pyramidale avait déjà servi d’intermédiaire pour acheter des obligations pourries dans l’affaire opposant Executive Life à la filiale Altus du Crédit Lyonnais. Cette fois-ci, il a décidé d’en finir pour ne pas avoir à affronter ceux qu’il ne pouvait plus rembourser.


L’autre, Harold Pinter, le grand écrivain, qui n’a jamais baissé la garde contre les puissants de ce monde, qualifiant Bush de « criminel de guerre » et Tony Blair de « crétin plein d’illusions ». Jusqu’au bout, il s’est élevé contre la guerre et le capitalisme.



Le troisième est l’antithèse du second : Samuel Huntington est mort la veille de Noël, à 81 ans. Ce politologue néo-conservateur a produit un ouvrage , « le choc des civilisations » qui a influencé directement la stratégie de guerre préventive de Bush, en lui fournissant le substrat idéologique dont il manquait pour légitimer son mensonge. On a souvent oublié que, deux décennies auparavant , il avait été l’adjoint de Zbigniew Brezinski, Secrétaire d’Etat, déplorant les excès démocratiques "des années soixante". Il avait rédigé un rapport pour la Commission trilatérale, club transnational de dirigeants ultra-libéraux, sur la crise de la démocratie où il affirmait notamment : " Le fonctionnement efficace du système politique démocratique requiert habituellement une dose d’apathie et de non-participation de certains individus et groupes ". Ce sécuritarisme d’Etat, qui permet aux gouvernants de gouverner sans les citoyens, a été appliqué par Bush, avec le Patriot Act... Hunttington est mort, et Bush s’en va, rattrapé par le lanceur de chaussures de Bagdad.


Trois décennies d’un nouvel ordre intérieur et international à l’américaine sont peut être en train de s’éteindre sous nos yeux. Va-t-on laisser ces théories d’un autre âge faire force de loi en France ? La révolte qui se lit dans les yeux des jeunes, d’Athènes à Paris, appelle au soulèvelment des consciences. Pour que 2009 ne soit pas seulement l’année de la récession, pour qu’elle annonce un changement d’ère : le passage à un monde de justice, de paix, de solidarité.


Tels sont mes vœux de citoyen du monde.


Noël Mamère, le 29. 12. 2008


PS/1. Julien Coupat et Yldune Levy resteront donc en prison pour les fêtes de fin d’année. Ce déni de justice doit être dénoncé comme tel, alors que l’on ne trouve aucune preuve sur leurs prétendues actions terroristes, alors qu’il s’agit d’un montage politico-médiatique de toutes pièces, conçu par la Ministre de l’Intérieur pour faire oublier sa quasi-disparition de la scène sarkozyste où elle reste une mal - aimée.


PS/2. Encore des centaines de morts à Gaza. Décidemment, cette guerre ne finira jamais. La seule réponse qu’entrevoit Israël, c’est la poursuite de la guerre et de la colonisation. Rien n’a changé depuis Annapolis, la dernière conférence de Paix dont plus personne ne se souvient. A quelques semaines des élections israéliennes, la guerre à outrance, au moyen d’hélicoptères et de bombardements contre la population civile, ne fait, il est vrai, aucune victime dans les rangs israéliens. Mais chaque jour qui passe, elle renforce la haine de chaque palestinien. Quel interlocuteur crédible trouver dans un Etat qui se réfugie derrière de telles pratiques ? Hormis une opposition de gauche, de plus en plus réduite et quelques députés arabes-israéliens, la majorité de la classe politique israélienne fait corps avec ses colons. Là est le problème fondamental. Plus besoin de faire référence idéologique au « Grand Israël ». On étend les colonies, on étouffe les palestiniens, on asphyxie Gaza. Et on gagne du temps. Mais le temps est une denrée difficile à maîtriser, même en Terre Sainte...La solution ne peut être que politique et passe par deux Etats pour deux peuples.

Tag(s) : #actualités internationales
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