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Edito du lundi 20 octobre 2008


Ainsi, alors que l’apartheid social continue avec la crise, que les milliards valsent pour les banquiers, quand la pauvreté, la misère, la faim, le chômage s’étendent, le président de la République n’a rien trouvé de plus urgent que de recevoir le ban et l’arrière ban de son gouvernement et le président de la Fédération Française de Football pour déclarer la guerre aux jeunes supporters de la Tunisie qui ont osé siffler l’hymne national.


Le livre que j’ai écrit avec Patrick Farbiaz, « la Tyrannie de l’émotion » a été ainsi illustré de la plus belle manière. Tout le gouvernement s’est mobilisé pour détourner l’attention de la question sociale pour fustiger une fois de plus le bouc émissaire parfait, le jeune issu de l’immigration qui ne respecte pas « les valeurs de la République ». Ce n’est pourtant pas ce jeune qui a dilapidé 600 millions d’euros à la Caisse d’Epargne ou 5 milliards à la Société Générale, ce n’est pas lui qui spécule contre l’euro à la bourse ou qui part avec des millions des stocks options ou des indemnités de licenciement, en forme de parachutes dorés. Ces délinquants en col blanc s’expriment pourtant en toute liberté dans les médias.


Préférant les insultes contre les jeunes, les représentants du pouvoir ne veulent pas s’interroger sur les raisons de ces sifflets. Pourtant, ce refuge dans le ressentiment exprimé par les sifflets contre l’hymne national, n’est pas né spontanément. L’exaspération des jeunes des quartiers populaires est à la mesure de leur abandon par les pouvoirs publics.


Le Plan Marshall des banlieues de Fadela Amara ? Pschittt !

La lutte contre les discriminations ? Pschittt !

La priorité à l’emploi pour les jeunes des quartiers populaires ? Pschittt !

Le droit de vote pour les résidents étrangers non européens ? Pschittt !


Au lieu de cela, les contrôles d’identité au faciès, les drones, les tasers, les bavures... Trois ans après le drame de La Courneuve, où Nicolas Sarkozy s’est illustré en appelant à nettoyer au « Kärcher » les périphéries des villes riches, le procès des trois jeunes a montré que dans cette cité, comme dans les autres « zones sensibles », rien n’est intervenu pour améliorer le quotidien des habitants. Rien, sinon les brimades de la police, les humiliations au quotidien, les tensions perceptibles qui peuvent engendrer tous les jours de nouveaux drames. Les promesses ne sont faites que pour ceux qui y croient. Les jeunes et, en général les résidents des quartiers populaires, y ont cru longtemps. Leur exaspération est à la mesure de la tromperie.


Mais il y a plus. La semaine dernière on a assisté à un festival de la démagogie, de la xénophobie d’Etat, aux limites du racisme, avec des formules aux symboles qui sentaient bon la période coloniale. Les sarkozystes étaient visiblement sermonnés par leur mentor : après que François Fillon a sonné la charge contre les supporters de la Tunisie, Bernard Laporte a stigmatisé les populations ayant des origines dans les trois pays du Maghreb en laissant entendre, avec des accents colonialistes caractérisés, qu’ils ne sont pas civilisés et qu’ils ne sont pas « sains » et qu’il faudrait transférer les matchs de l’équipe de France au Maghreb ou en province.


Le député des Yvelines, Jacques Myard, qui n’en rate pas une, a parlé « des petits merdeux » des stades. Le député UMP des Alpes-Maritimes, Lionell Luca, a demandé aux supporters de la Tunisie de « faire leur valise pour réintégrer le pays de leurs origines ». Qui mine le vivre ensemble ? Qui dérape ? Qui jette de l’huile sur le feu ? En 2001, avec le match France - Algérie, la Marseillaise avait déjà été sifflée ; en 2005, la révolte des banlieues avait montré comment des milliers de jeunes français se sentaient exclus et étrangers dans leurs propres pays. Ce n’est pas en arrêtant les matchs et donc, en créant artificiellement des émeutes, que l’on résoudra le problème récurrent posé par les générations issues de l’immigration.


Vous avez des centaines de milliards pour sauver les banquiers ? Utilisez en un dixième pour un pacte de fraternité et de citoyenneté. Sinon, ne vous étonnez pas que la Marseillaise et le drapeau national soient traînés dans la boue. Au moment où une femme s’immole par le feu pour sauver de l’expulsion son mari sans papier, les larmes de crocodiles versées à propos des incidents du Stade de France sont à vomir. La France, son hymne et son drapeau valent mieux que votre démagogie et vos campagnes de haine.


Noël Mamère, le 20 octobre 2008

P.S. 1 : Taser. Ce lundi 20 octobre je défendrai en tant qu’avocat, Olivier Besancenot diffamé par des crapules qui n’hésitaient pas à payer une entreprise pour épier sa vie privée. Tout cela parce qu’il refusait ce scandaleux procédé technique qui consiste à tirer pour paralyser des individus. Comme citoyen, je suis fier de participer à cette défense parce que je partage les convictions d’Olivier face à la multiplication des techniques visant à quadriller, contrôler réprimer les classes dangereuses.

P.S. 2 : Le « peuple de l’écologie ». Ce lundi 20 octobre, une conférence de presse lancera officiellement le rassemblement des écologistes pour les européennes. Les listes « Europe Ecologie » vont réunir, Bové et Cohn Bendit, Les Verts et Antoine Waechter, Eva Joly, les amis de Nicolas Hulot et d’ex-animateurs de Greenpeace. Face à la crise la signification est claire : il s’agit de rassembler le peuple de l’écologie, c’est à dire tous ceux qui estiment que l’issue à la crise passe par un dépassement du capitalisme fondé sur un autre modèle de développement.

P.S. 3 : L’apartheid de la pauvreté. Le 17 octobre dernier, la Journée mondiale du refus de la misère est venue souligner que, devant la crise, les êtres humains ne sont pas égaux. La crise alimentaire s’accroît dans les pays du Sud. Dans les pays « développés » comme la France, le chômage repart de plus belle. 13 % de la population est en dessous du niveau de vie minimum.

P.S. 4 : Marina libérée ! Même si on le doit aussi à l’action des sœurs Bruni, on ne boudera pas notre plaisir. François Fillon a abrogé son décret d’expulsion deux jours avant que le Conseil d’Etat ne se penche sur l’affaire. Au lieu d’en passer par la grâce de la presse et le fait du prince (ou l’inverse), pourquoi ne pas revenir à la juste décision du Président Mitterrand qui avait mis un terme à la poursuite des ex- Brigadistes italiens. 40 ans après les faits, il y a prescription.

Tag(s) : #actualités nationales
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