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Les dégâts et les ravages causés par les exportations européennes de produits agricoles ont précipité des centaines de milliers de paysans des régions du sud dans la misère. L'industrie avicole européenne déversait des milliers de tonnes d'ailes de poulet congelés. Elle y voyait un double avantage :

- Les consommateurs européens ne voulaient pas de cette partie de volaille considérée comme un bas morceau et l'Union européenne était prête à subventionner les exportations.

- La production locale de poulets de chair était dans l'incapacité d'affronter
cette concurrence et de nombreux éleveurs ont fait faillite.




Au Cameroun, l'Association Citoyenne des Défense des Intérêts Collectifs (ACDIC) a décidé de lancer une vaste campagne pour alerter les consommateurs sur les dangers de détruire la production locale. Le prélèvement d'échantillons de poulet et leur analyse par l'Institut Pasteur a montré que 80 % des produits testés étaient impropres à la consommation humaine et dangereux !


Bernard Njonga, Président de l'Association, a démontré avec son équipe que plus de 40000 emplois locaux avaient été détruits par les importations.

L'ensemble de la filière était sinistrée : les paysans, les transporteurs, les grossistes, les vendeuses, les fabricants de paniers, les producteurs de maïs, les plumeurs, les videurs et les découpeurs : 40 000 emplois directs saccagés en l'espace de 4 ans.


Et combien d'emplois induits ?


Pour les jeunes camerounais, restait alors la route périlleuse de l'émigration pour tenter de trouver un emploi hypothétique derrière les murs de Schengen.

Bernard Njonga a bataillé pendant deux ans pour obtenir que le gouvernement relève les taxes d'importations sur ces produits subventionnés. Patiemment, il a construit un rapport de force en mobilisant au niveau du Cameroun les organisations paysannes, les différents corps de métiers affectés et les consommateurs. Conscient qu'il ne parviendrait pas à peser sur les décisions nationales, il s'est lancé dans une campagne internationale. Autour de lui se sont fédérés des syndicats européens comme Via Campesina Europe et des Associations réputées comme le CCFD. La contestation, partie du Cameroun, a fait tâche d'huile et a contaminé l'Europe. « L'Europe plume l'Afrique » est devenu emblématique du délire des politiques agricoles mises en place par l'Union européenne. En démontrant que derrière ses discours caritatifs l'Europe cachait un cynisme commercial sans limite.


C'est grâce à l'énergie de personnes comme Bernard Njonga, à leur énergie et à leur détermination, que l'Europe se trouve confrontée à ses contradictions entre un discours caritatif et paternaliste d'un côté et de l'autre, une pratique commerciale agressive et cynique. Sans les Njonga nous serons incapables de modifier radicalement la politique agricole criminelle (PAC) de l'Union européenne.



Bernard a poursuivi sa lutte pour que le maïs consommé au Cameroun soit produit localement. Nous appelons cela la souveraineté alimentaire. Il s'agit simplement de re-localiser l'économie. Le gouvernement camerounais s'est peu à peu engagé dans cette direction, source d'emplois locaux. Des fonds ont été alloués au ministère de l'agriculture pour accompagner les familles paysannes dans la relance de la culture du maïs. Une bonne partie de l'enveloppe s'est volatilisée. Les groupements paysans ont attendu en vain. Bernard Njonga et l'ACDIC ont enquêté. Ils ont flairé une corruption importante dans certains services du ministère. Une nouvelle fois, ils ont décidé de s'adresser directement à l'opinion publique.


La Préfecture de Yaoundé n'a pas accepté la demande faite par l'ACDIC d'organiser une manifestation dénonçant la corruption. Le 10 décembre les militantes et les militants camerounais ont décidé qu'il était de leur devoir de passer outre. Ils ont exprimé leurs préoccupations et leurs doutes. Ils ont été accueillis par des matraques. Bernard Njonga et neuf de ses compagnons ont été placés pendant deux jours en garde à vue. Ils sont inculpés d'organisation de manifestation interdite et trouble sur la voie publique. Ils répondront de ces délits le 23 janvier 2009.



Présent à leurs côtés en septembre 2006 lors d'une manifestation paysanne, je serai de nouveau avec eux pour soutenir, comme je le fais en Europe, la souveraineté alimentaire et la relocalisation des productions.


Par José Bové le 11 janvier 2009 sur le site www.europeecologie.fr

Tag(s) : #Agriculture
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