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Dans quelques décennies, les prévisions climatiques indiquent que les canicules passées devraient devenir la norme dans de nombreuses régions. Une grave menace pour l'alimentation mondiale.


Les étés plus chauds que nous promettent les climatologues menacent notre sécurité alimentaire. C'est l'avertissement, brutal, lancé par David Battisti et Rosamond Naylor (University of Washington, à Seattle et Stanford University, à Palo Alto) publié par Science (1). Un avertissement qui survient après la crise des années 2006-2008, où la chute de production dans quelques régions pour raisons climatiques, la croissance rapide de la demande, «boostée» par la démographie, l'essor économique et les débouchés non alimentaires de l'agriculture ont poussé les prix internationaux à des sommets. Or, expliquent les deux scientifiques, tout ceci n'est que de la petite bière à côté du risque de «crise alimentaire perpétuelle» que le changement climatique pourrait provoquer.




Triplement du prix. Pour étayer leur propos, les deux scientifiques se sont appuyés sur l'histoire et les projections climatiques de 23 modèles différents de la synthèse du Giec (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) publiée en 2007.




Du côté du passé, ils se sont penchés sur trois cas exemplaires. D'abord, la chute de la production céréalière en URSS (Russie et Ukraine) lors de l'été caniculaire de 1972 qui avait stoppé net la tendance à la baisse du prix des grains depuis 1950 en provoquant un triplement du prix du blé en deux ans sur les marchés internationaux. Puis, la canicule de 2003 qui a frappé l'Europe de l'Ouest, avec des baisses de production drastiques (calculée par rapport à l'année précédente). Moins 36 % pour le maïs en Italie, moins 30 % en France où la récolte de blé a chuté de 21 % et celle des fruits de 25 %. Enfin, Le long épisode de sécheresse au Sahel, dans les années 70, n'a pas été choisi en raison de l'effet «température» dans cette crise - c'est la pénurie de précipitations qui a causé la rupture agricole -, mais comme exemple de région particulièrement vulnérable - population en croissance, agriculture fragile - et parce que les projections des climatologues prévoient qu'elle endure d'ici la fin du siècle des étés plus chauds qu'aujourd'hui.



Ces projections et les simulations sur ordinateurs du climat futur, soumis à un effet de serre renforcé par nos émissions de gaz du même nom, laissent peu de doute sur un point. Les températures des saisons de croissance végétale - printemps, été - des régions tropicales et subtropicales seront nettement plus élevées. Au point que la canicule de 2003 en Europe de l'Ouest - avec un écart à la moyenne climatique de plus 3,6 °C en France - deviendra... l'été moyen dès le mitan du siècle. De même en Ukraine - l'ex-grenier à blé de l'Union soviétique -, les étés les plus chauds des dernières décennies deviendront la norme à l'avenir. Autrement dit, la moitié des étés seront certes moins chauds, mais l'autre moitié le sera plus encore.




Même topo dans les régions tropicales, où les variations de températures d'une année sur l'autre sont nettement moins importantes. Les simulations climatiques montrent que dès 2050, l'été moyen sera plus chaud que le record actuel depuis 1900 dans ces régions où vivent 3 milliards d'êtres humains en croissance démographique. Dans ces conditions, avertissent les deux auteurs, il serait imprudent de compter sur de meilleurs rendements sous les plus hautes latitudes pour compenser ces pertes.




Variétés tolérantes. Une des cartes de l'article permet de visualiser les projections climatiques pour la fin du siècle (période 2080/2100) : pour de vastes régions en Afrique, Amérique du Sud, Chine, Asie du Sud-Est, Inde, Pakistan, Turquie, Amérique centrale et du Nord, les modèles prévoient 90 % de risques pour que chaque été soit plus chaud que l'été record des années 1900-2006.




Les deux scientifiques expriment sobrement la conclusion à en tirer : «Les conséquences pour les hommes du changement climatique planétaire peuvent être énormes.» Et d'attirer l'attention des responsables politiques sur «la priorité» à accorder aux efforts «coûteux» à accomplir : développer des variétés tolérantes à ces nouvelles conditions, adapter les agro-écosystèmes, investir dans l'irrigation, utiliser toutes les facettes de la science (génétique, organisation, machines) susceptibles de permettre aux agriculteurs de faire face à ces changements dont l'ampleur ira croissante durant le siècle.



(1) David S. Battisti et Rosamond L. Naylor, Science du 9 janvier 2009.




Sylvestre HUET sur www.liberation.fr

Tag(s) : #Agriculture
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