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Les commémorations se suivent mais ne se ressemblent pas. Les fêtes religieuses sont célébrées comme des rituels dont le lien social est le fond commun, que l'on soit athée, catholique, juif ou musulman.


D'autres, comme le 1er ou le 8 mai, puisent leurs racines dans l'histoire des peuples et des nations. Prenons la Journée Internationale des Femmes du 8 mars, nous la célébrons en la banalisant. Elle est devenue une nouvelle Fête des mères qui se serait en se serait trouvé une héritière plus glamour ! N'oublions pas que, dès sa création, cette journée a été un moment de lutte et de conquête de droits que, des suffragettes aux féministes, les femmes ont toujours dû arracher à la société des hommes par des combats sans concession. En un siècle, elles ont conquis l'égalité juridique et législative dans la plupart des pays du monde. Il leur reste maintenant à conquérir l'égalité dans les faits.

La journée internationale des femmes est là pour nous rappeler ces victoires mais aussi pour nous inviter à réfléchir sur la condition de la femme dans le monde entier. C'est l'occasion de dresser le bilan de plus de cent ans de lutte pour imposer l'égalité des droits entre hommes et femmes, pour faire avancer l'émancipation de plus de 50 % de l'humanité, maintenue dans la dépendance sociale, économique et sexuelle par l'autre partie de la population, les hommes.



C'est en 1910, à Copenhague, lors de la conférence internationale des femmes socialistes, que l'idée d'une « Journée Internationale des Femmes » est décidée, à l'initiative de Clara Zetkin. A cette époque, « les pétroleuses » comme on appelle les féministes, luttent pour l'obtention du droit de vote. Un an plus tard, un million de femmes manifestent en Europe. La même année, le 25 mars 1911, à New York, alors que les travailleuses du textile protestent contre leurs piètres conditions de travail, un groupe de femmes trouve la mort lors d'un incendie. Elles n'ont pas pu s'échapper à temps. Les portes étaient fermées pour empêcher les ouvrières de sortir avant la fin de leur journée de travail.



Le 8 mars 1917 (dans le calendrier géorgien, le 23 février), à Saint-Pétersbourg, des ouvrières manifestent pour réclamer du pain et le retour de leurs maris partis au front. Dans l' »Histoire de la Révolution russe », Léon Trotski écrit " Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir. Il n'est pas venu à l'idée d'un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution ".




À partir de ce jour, le 8 mars devient réellement la Journée Internationale des Femmes et va marquer de son sceau les avancées des luttes menées par le « deuxième sexe » sur tous les continents. En France, il faudra attendre l'après-guerre pour que les femmes acquièrent le droit de vote, preuve que notre vieux pays qui se pense toujours à l'avant-garde a été l'un des plus frileux dans ce domaine.




Deux ans après Mai 68, le féminisme ressurgit lancé en faveur des mutations sociologiques dans le domaine du travail et de la famille. Le MLF est créé en 1970. Les femmes prennent la parole. Et vont la garder. Avec le droit à l'avortement, elles imposent le droit à disposer librement de leurs corps ; elles exigent l'égalité dans le travail, selon le principe « à travail égal, salaire égal ». Le 8 mars 1977, les Nations Unies officialisent la Journée Internationale des Femmes.



En 1982, la gauche au pouvoir qui vient d'instituer en France le premier ministère des droits des femmes, dirigé par Yvette Roudy, donne un statut officiel à la Journée du 8 mars. Une révolution démocratique majeure déferle sur le monde. La moitié du ciel se met en marche, bousculant la société machiste occidentale dominée par les hommes depuis des millénaires. C'est une révolution a deux faces : elle est, d'abord, profondément politique. Avec l'écologie, le mouvement des femmes est certainement la dynamique de transformation la plus importante qu'ait connue la politique depuis 2000 ans. Dans ce milieu qui bouge si peu par rapport à une société qui innove en permanence, dans ce bocal où tous les coups sont permis, la présence et l'action des femmes bouleversent les pratiques et les rapports de force traditionnels.




La parité, instaurée au sein des Verts depuis leur naissance en 1984, est l'exemple type de cette révolution politique. Elle renouvelle non seulement le personnel politique mais oblige ses institutions, parlements, collectivités ou partis, à se transformer profondément. On peut penser ce que l'on veut de Ségolène Royal mais le fait qu'une femme puisse un jour devenir Présidente de la République est en soi une avancée.




Mais le féminisme engendre aussi une révolution culturelle. Avec sa montée en puissance, le personnel devient politique, le domaine privé devient public. J'avais construit la campagne présidentielle des Verts de 2002 (où j'ai eu l'honneur de les représenter) autour du slogan « choisir sa vie ». Sans le mouvement féministe, je ne sais pas si nous aurions eu l'idée de cette phrase emblématique. Dans la foulée du féminisme, se sont engouffrés les mouvements homosexuels, de la jeunesse, des régionalistes, de toutes les minorités ; on a posé les questions de la drogue, de la santé, de la fin de vie.




À la différence de ces mouvements, le féminisme n'est pas minoritaire mais l'expression de la majorité de la population qui, travaille encore deux fois plus que les hommes, pour élever les enfants et effectuer les tâches ménagères et doit subir, encore trop souvent, la violence domestique des hommes ou le sexisme qui s'affiche dans la rue sur les publicités et, bien sûr les injustes inégalités de salaires.




La longue marche pour les droits des femmes est loin d'être terminée.


Témoin, les inégalités toujours aussi fortes dans le travail.


Témoin , en France, le danger de fermeture du Planning familial pour cause de refus de subvention ou la chasse aux migrantes sans-papiers, le rapport entre grands frères et jeunes femmes dans les banlieues, la tentation d'une partie de la droite, des Etats Unis à la France, de mettre en cause le droit à l'avortement avec l'appui de l'Eglise ; la montée des intégrismes qui, partout, stigmatisent la liberté des femmes, jusqu'à en organiser la lapidation, témoins ces viols massifs de femmes à chaque fois qu'une guerre, de la Bosnie à l'Afrique, dégénère en guerre contre les civils.



Non, le mouvement des femmes n'a rien à voir avec l'aventure people des Carla, Rachida ou Rama. Les femmes ne sont pas des alibis, des stars, des figures de mode. Elles vivent dans le monde réel, toute l'année et pas un seul jour, fût-il chargé d'histoire comme le 8 mars.

L'histoire du féminisme à l'échelle du monde ne fait que commencer. Elle changera l'histoire de tous, celle des hommes comme celle de la société toute entière.



Noël Mamère, le 9 mars 2009




P.S. 1 : A propos de l'homoparentalité. Un affrontement entre deux femmes ministres, Nadine Morano et Christine Boutin, à propos de la délégation d'autorité parentale dans les foyers homosexuels. Les changements sont à l'œuvre, malgré la résistance. Rappelez vous le débat sur le PACS où quelques parlementaires de droite sauvèrent l'honneur de leur camp ; rappelez vous le mariage de deux hommes que j'ai célébré à Bègles, contre la volonté de toute la droite réunie, sauf quelques-uns comme Jean-Luc Roméro. On n'a pas toujours tort d'avoir raison trop tôt.




P.S. 2 : La Cour Pénale Internationale fait son nid. Cette fois, c'est un chef d'Etat en exercice qui en fait les frais. Le Président soudanais Omar EL Béchir est poursuivi pour « crimes contre l'humanité » au Darfour. La Cour a été créée en 1998. Cet élément décisif de la gouvernance mondiale progresse donc à grands pas. J'espère que le Président Obama apposera la signature de son pays sur le parchemin donnant naissance à la CPI. La crédibilité de cette Cour ne sera garantie que s'il n'existe plus deux poids, deux mesures. La semaine dernière, à Bruxelles, sous l'autorité d'hommes comme Stéphane Hessel, un Tribunal Russel a décidé d'instruire le procès de l'Etat d'Israël pour son intervention à Gaza. Le Tribunal Russel, actif à l'époque de la guerre du Vietnam n'est pas un vrai tribunal. Il n'est que l'expression d'un jugement moral. Mais il est un marqueur de l'histoire, et c'est déjà beaucoup.




P.S. 3 : Personne ne parle du Sri Lanka. Plus de 200 000 civils sont acculés en bord de mer sur une bande de 15km de long et un de large. Pris entre deux feux, les Tigres Tamouls (LTTE), une organisation qui n'a jamais lésiné sur les moyens les plus violents pour imposer ses vues quant à l'avenir de son peuple, et les généraux Sri lankais qui voient la fin d'un combat depuis 25 ans. Entre janvier et févier 2000 morts et 5000 blessés. Cela ne vous rappelle rien ? Une bande près de la mer, le nombre de morts et de blessés. Là, il n'y a pas trois religions, ni de lieux saints, pas de caméras non plus. Le monde ne s'intéresse pas au Sri Lanka. D'ailleurs, il n'y a pas pétrole dans la région. On y meurt donc à huis clos, hommes comme femmes, le 8 mars comme les autres jours...

Tag(s) : #actualités internationales
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