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Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe Vert au Parlement européen, dénonce l'opacité de la procédure de nomination du président du Conseil européen et du ministre des affaires étrangères de l'Union.

 


À deux jours du Sommet européen, les négociations de couloir vont bon train. Cette façon de procéder donne-t-elle une bonne image de l’Union ?


Ces tractations sont désespérantes. C’est à une caricature de démocratie à laquelle on assiste. On a le sentiment que les Vingt-sept, et surtout Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, cherchent des personnalités qui ne leur feront pas d’ombre. Ils y sont déjà parvenus avec la nomination de José Manuel Durao Barroso à la présidence de la Commission et ils cherchent à refaire le même coup pour le président du Conseil européen : celui-ci devra seulement savoir organiser les petits-déjeuners et les déjeuners afin que tout le pouvoir reste aux mains des États membres. C’est une Europe très intergouvernementale qui se met en place.

 


Le Parlement européen ne semble pas beaucoup s’émouvoir de cette opacité.


Il a laissé passer une chance de s’affirmer dans l’espace institutionnel européen. Il aurait dû lui-même organiser des auditions des différents candidats pour obliger le Conseil européen à la transparence, même s’il n’a, en l’occurrence, aucun pouvoir dans le processus de nomination du président du Conseil européen qui est élu par les seuls chefs d’État et de gouvernement. Mais symboliquement, cela aurait été fort. Cela étant, le Parlement a déjà manqué une occasion de montrer son poids en votant l’investiture de Barroso comme le demandaient les États, les confirmant ainsi dans leur conviction que le Parlement n’a au fond pas grand-chose à dire sur l’orientation de l’Europe. C’est à une succession d’occasions manquées auxquelles on assiste. Comme toujours, l’Europe avance à reculons vers la démocratie.

 


Quelle aurait été la procédure idéale ?


Il faut noter que, pour la première fois dans l’histoire européenne, certaines personnalités se sont portées officiellement candidates à la présidence du conseil européen, ce qui est déjà positif : c’est notamment le cas de Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois, de Vaira Vike-Freiberga, l’ancienne présidente de Lettonie, et de Toomas Hendrik Ilves, le président d’Estonie. Même chose pour le poste de ministre des Affaires étrangères, Massimo D’Alema ayant fait connaître son intérêt. Cela montre qu’il aurait été possible d’instaurer de la transparence dans la procédure. On aurait dû créer une commission chargée de sélectionner les candidats et de procéder à des auditions publiques afin que chacun explique sa conception du poste et son programme. Et en fonction de ces auditions, le Conseil aurait pu voter. À tout le moins, il faudrait que les délibérations du Conseil soient publiques et qu’il n’hésite pas à voter pour en finir de la culture paralysante du consensus.

 


Quels sont vos candidats idéaux ?


Pour le poste de président du Conseil européen, je penche pour l’ex-présidente de Lettonie, Vaira Vike-Freiberga, ou pour la présidente de Finlande, Tarja Halonen. Mais cette dernière est sociale-démocrate alors que les socialistes ont réclamé le poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union. J’aime bien aussi le démocrate-chrétien Jean-Claude Juncker, mais il a sans doute été trop inactif au moment de la crise financière et économique. Pour le poste ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, l’ancien chef de la diplomatie allemande, Carl Bildt, l’actuel ministre des affaires étrangères suédois, ont ma préférence. Il faut absolument à ce poste quelqu’un qui était contre la guerre en Irak pour faire contrepoids à Barroso qui, lui, était pour. Quoi qu’il en soit, il faut au moins une femme à un de ces deux postes.

Pour l’instant, il n’y a quasiment aucune femme aux postes de direction de l’Union.


La nouvelle Commission risque d’être la moins féminisée depuis longtemps. Il est dommage que Barroso n’ait pas imposé aux États de désigner chacun deux candidats commissaires, un homme et une femme, afin de lui laisser le choix. Il devrait dire au Conseil européen qu’il ne peut former sa commission avec les noms qui lui sont soumis afin de forcer les gouvernements à lui proposer des femmes. En aura-t-il le courage ?

 


L’un des problèmes de l’Union n’est-il pas que les gouvernements envoient à Bruxelles des politiciens nationaux en fin de carrière ou dont on cherche à se débarrasser ?


Tout à fait. D’ailleurs, Angela Merkel vient de démontrer son manque total d’intérêt pour l’Europe en nommant le ministre-président du Bade-Wurtenberg, Günther Oettinger comme commissaire, un personnage sans envergure qui ne s’est jamais exprimé sur l’Europe : c’est une décision de politique intérieure et encore de politique intérieure à la démocratie chrétienne allemande, la chancelière. Au fond, la seule chose qui intéresse les États, c’est le portefeuille qu’obtiendra leur commissaire qui n’est plus que le porte-parole des intérêts nationaux au sein de la Commission. C’est pour cela qu’on envoie à Bruxelles des gens sans personnalité ou sans influence afin qu’ils restent totalement dépendants de leurs gouvernements. Alors que les commissaires devraient être les défenseurs de l’intérêt commun européen face aux États.


 

Tag(s) : #Parlement Européen
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