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L’émergence dans le champ social du mouvement dit des « pigeons » n’est pas seulement le produit d’une bonne communication, très politique au demeurant. La majorité ne peut s’exonérer d’en tirer les leçons. Sa rapidité, sa nouveauté, son impact, les choix du gouvernement à son égard, doivent nous interroger. C’est l’annonce d’une taxe de 60% sur les plus-values en cas de cession de valeurs mobilières qui met le feu aux poudres. Une pétition circule aussitôt sur Facebook, signée par plus de 25 000 « amis » en quelques jours. Plusieurs ministres reçoivent une délégation de ce mouvement autoproclamé de jeunes chefs de start-up et, sans la moindre concertation avec les élus travaillant déjà sur le budget au Parlement, cèdent aux exigences de ces entrepreneurs. Dans le même temps, le gouvernement recule sur Florange, PSA, Sanofi ; il ne montre pas la même compréhension envers les syndicats de salariés qui s’opposent aux plans de licenciements, en refusant d’inscrire les lois promises dans le calendrier législatif .

 

Mais, revenons à nos pigeons, qui ne sont pas des perdreaux de l’année, mais l’expression d’une révolte fiscale latente d’entrepreneurs qui, au nom de leur supposé créativité, de leur savoir-faire, de leur talent, veulent pouvoir s’affranchir de toutes les contraintes en matière sociale et fiscale. Ce néo-corporatisme n’est pas nouveau. A chaque fois qu’une nouvelle génération d’entreprises issues des nouvelles technologies apparaît, leurs géniteurs retrouvent l’accent du Far-West. Ils se prennent pour des « pionniers » aux prises avec de « nouvelles frontières ». Au motif que leur territoire est à défricher, l’Etat ne doit pas se mêler de leurs affaires. Ainsi, en 1981, les patrons des jeunes radios libres cherchaient-ils à échapper aux droits d’auteur, à la Sacem, à l’impôt, aux conventions collectives… Ce fut ensuite le tour des entreprises nées du Minitel, suivies par la première vague de l’Internet qui se brisa sur la bulle spéculative, révélant au grand jour l’inconsistance de ces nouveaux cow-boys.

 

Pour autant, il ne s’agit pas de nier l’importance de l’innovation technologique. Les PME françaises en manquent. Elles ont besoin d’être soutenues par l’Etat. Les propositions fiscales étaient peut-être erronées mais elles auraient pu faire l’objet d’un débat public sur l’impôt, au lieu de cette défaite en rase campagne face à une guérilla, menée par des lobbyistes efficaces, cornaqués par de gros entrepreneurs du Net, tels que Meetic, Virgin Mobil… Et soutenue par l’UMP.

 

Avec la crise, le refus de l’impôt risque de devenir un enjeu majeur, en France comme dans le reste de l’Europe tentée par un mouvement similaire au Tea-Party américain. La France est peut-être encore plus vulnérable que d’autres pays, car l’impôt y est illisible, injuste et encombré par une bureaucratie fiscale opaque. Simplifier l’impôt, le rendre transparent et juste, le moderniser en le restructurant autour de la fiscalité écologique, est un enjeu décisif.

 

Les écologistes doivent s’emparer de la thématique fiscale et de la question des PME et des TPE, s’ils ne veulent pas, à l’instar de l’Allemagne ou de la Suède, qu’un parti Pirate reprenne leurs aspirations ou, pire, qu’un populisme néo-libéral se fasse l’étendard de leurs électeurs des zones urbaines qui s’assimilent souvent à ces auto-entrepreneurs en galère. Au début, Berlusconi était un patron de télévisions en révolte contre l’Etat et la justice italienne. Il sut utiliser à son profit le mécontentement des classes moyennes contre la bureaucratie et l’inefficacité de l’Etat Italien, en se faisant passer pour un aventurier des temps modernes, capable de sauver Rome contre elle-même. Résultat, le pigeon se fit vautour et les Italiens furent les dindons de la farce.

 

Dernière leçon : à force de n’avoir plus que les 3% comme horizon , la compétitivité, au lieu de la coopération, comme projet, la tentation sécuritaire comme contenu idéologique, la majorité laisse un espace social et politique à tous les mouvements qui surfent sur l’initiative et l’imagination laissées en jachère.

 

Si la gauche, au final, ne veut pas être pigeonnée, elle doit aussi reprendre la main sur le terrain du « rêve français » dont François Hollande avait fait sa marque de fabrique lors de la campagne présidentielle.

 

Noël Mamère. Le 8 octobre 2012.

Tag(s) : #Economie
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