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Les difficultés commencent pour François Hollande. Un vieux proverbe français dit que c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Nous y sommes. La succession de rendez-vous internationaux et européens va, dès l’entrée en fonction de François Hollande, transformer la marche vers la victoire nationale en une guerre de tranchées à 27 partenaires. La proposition de renégociation du traité pour y introduire un volet de croissance sera un test. Comment convaincre une majorité de gouvernements libéraux de choisir la voix proposée par le nouveau Président français ? Comment surtout éviter une victoire à la Pyrrhus ? Une victoire qui, sous prétexte de relancer la croissance, ouvrirait la voie à une politique de dérégulation et de déréglementation du Code du Travail. Baisser les coûts du travail et les charges signifierait plus de précarité, plus de casse des acquis sociaux.

 

 

Telle est la voie suivie par l’Angleterre depuis Thatcher, par l’Allemagne depuis Schroeder. En quelques années, l’Allemagne est passée de 76 % d’emplois en CDI à 56 % ; les inégalités ont progressé et la grande pauvreté aussi. Le nombre de travailleurs pauvres a explosé : l’an dernier, 7,3 millions de travailleurs se trouvaient dans cette situation, soit 25% de la population active, gagnant, en moyenne, 230 euros par mois. A Berlin, un cinquième de la population dépend des aides de l’État pour survivre. Le miracle allemand ? Les salariés et les exclus le payent de plus en plus cher.

 

 

La vague de la crise est trop forte pour surfer dessus. Il faut soit l’accompagner en renforçant les plans d’austérité, soit refuser une politique qui ouvre à la fois, sans préférence sociale et environnementale, ses marchés à la Chine et organise la précarité généralisée. Le temps manque car la profondeur de la crise est telle que les raccommodages avec des bouts de ficelle, les pansements d’un jour ne suffisent plus. Le temps manque car l’Euro, donc l’Europe est menacée. Pas dans quelques années, ni dans quelques mois, mais en ce moment même. Les mêmes qui nous expliquaient, la veille que la Grèce ne sortirait jamais de l’Euro nous annoncent doctement que le retour à la Drachme est programmé depuis longtemps, que ce n’est pas un drame et que les Grecs pourraient de toute manière rester dans l’Union Européenne. On est dans la continuité du scénario selon lesquels les grecs sont seuls responsables de leur situation et donc seuls concernés par leurs problèmes ; la finance internationale et les dirigeants européens n’y sont pour rien. Cela présente en effet l’avantage de mettre de côté les causes « structurelles » et notamment la responsabilité des marchés financiers ou d’une zone euro dépourvue de mécanismes d’ajustements budgétaires.

 

 

Il ne s’agit pas bien sûr de nier en bloc le rôle propre joué par la structure de l’économie grecque. Plusieurs facteurs ont contribué à dégrader les finances publiques grecques. En premier lieu, l’importance des dépenses militaires (4% du PIB, contre 2.4% en France) qui font le bonheur des vendeurs d’armes français… On remarquera d’ailleurs que la réduction des dépenses militaires grecques n’est pas demandée par les gouvernements euro et que l’on fait comme si l’Eglise orthodoxe et ses revenus n’existaient pas. Cette histoire reconstituée et ces dénégations cachent mal l’impuissance des économistes libéraux et des banquiers devant la propagation de la crise grecque au reste du bassin Méditerranéen, à commencer par l’Italie, l’Espagne et le Portugal… et peut être la France.

 

 

L’Espagne, surtout est fragile. Là aussi les Docteurs Diafoirus de la Troïka UE-BCE-FMI, administrent les potions indigestes de l’austérité. Mais là aussi comme en Grèce, le malade la rejette violemment. De grèves générales en manifestations, les syndicats et les Indignés sonnent la révolte et plus le temps passe, plus l’Europe s’enfonce dans la crise et dans un conflit entre les peuples et cette Sainte alliance entre gouvernements, banquiers et eurocrates. La solution n’est pas dans l’entêtement mais bien dans la recherche d’un new Deal, un Green deal rooseveltien comme le dirait mon ami Alain Lipietz. Quelle pourrait être la base de ce compromis ? Pour nous écologistes, un nouveau Traité d’Athènes pourrait comprendre à la fois des mesures d’urgence et des mesures structurelles.

 

 

Ce traité comprendrait trois volets :

 

- la mutualisation partielle des dettes publiques des Etats grâce à des Euro Bonds, de manière à contrer la spéculation sur les marchés financiers et à assurer une solidarité entre les Européens. Il serait complété par un volet anticorruption et une lutte sévère contre les paradis fiscaux.

 

- Un grand plan d’investissement dans la transition écologique, avec le soutien de la BCE financée par un grand emprunt. Il comporterait notamment la mise en place d’une Communauté européenne des énergies renouvelables.

 

- Un saut fédéral structurel pour les Etats qui le souhaitent visant à créer en lieu et place de la Commission, un gouvernement européen responsable devant les parlements nationaux et européen avec une harmonisation de l’impôt sur les entreprises et le capital afin d’éviter les délocalisations fiscales dans la zone euro. Cela supposerait un budget européen avec la création de ressources propres, une TVA européenne, une taxe européenne aux frontières et un impôt sur les transactions européennes. Cela supposerait d’acter la remise à plat du rôle de la Banque Centrale Européenne afin de renforcer son contrôle démocratique et de modifier ses missions. Elle pourrait ainsi prêter directement aux Etats, à un taux réellement plus bas que celui des banques, le financement nécessaire au paiement de leurs investissements et au rachat des bons du Trésor national. Cela imposerait une solidarité entre Etats qui aujourd’hui n’existe plus. Elle devrait s’appuyer, même si le terme n’est pas « politiquement correct », sur un protectionnisme européen qui impose la préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe. Les produits entrants sur le marché commun devraient respecter les normes sociales de l’Organisation Internationale du Travail et celles des Conventions environnementales.

 

 

Ce plan supposerait, bien entendu, un échéancier et des compromis. Mais l’Europe est habituée à ce genre d’exercice. Elle avance grâce aux crises. Aujourd’hui, la situation n’a peut être jamais été aussi mûre pour une reconstruction dynamique de l’Union Européenne. Le compromis proposé par François Mitterrand, celui d’une confédération avec en son sein un noyau fédéraliste est possible. François Hollande, habitué des synthèses difficiles accouchées dans des nuits blafardes peut être l’homme de la situation s’il ne cède pas à la tentation de l’immobilisme.

 

Noël Mamère, le 14 mai 2012

 

 

 

PS1. Front contre Front ; On peut dire beaucoup de choses de Jean-Luc Mélenchon mais pas qu’il manque de courage. Il a raison d’aller affronter Marine Le Pen. Toute la gauche doit s’opposer à la montée du Front national et faire que ces législatives voit le recul de la vague Bleue marine annoncée.

 

PS2. 31 ans après François Mitterrand, François Hollande sera investi. Gageons que cette semaine sera cruciale tant en termes de symboles que de décisions quand au nouveau gouvernement et aux premières rencontres internationales du nouveau Président. Ne boudons pas notre plaisir et conservons ce moment de grâce, inauguré à la Bastille, le plus longtemps possible dans nos têtes et dans nos cœurs. Quand la république respecte ses citoyens, tout devient possible !

Tag(s) : #actualités internationales
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