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Pour le haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU, "ce siècle sera celui des peuples en mouvement".


En marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, Antonio Guterres, haut-commissaire pour les réfugiés, décrit la montée en puissance du péril climatique. L'ancien premier ministre portugais (1996-2002) constate que ces nouveaux réfugiés n'ont pas de statut juridique.


Le changement climatique est-il une source de préoccupation pour le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) ?

Il y a aujourd'hui un débat sur le changement climatique, mais pas sur ses implications sur les mouvements forcés de population. Selon les estimations, pour chaque centimètre de hausse du niveau des océans, il y aura un million de déplacés dans le monde. L'impact sera direct, par la sécheresse, les catastrophes naturelles ou la disparition d'îles, mais aussi indirect, par la pauvreté ou le déclenchement de conflits. Quand les janjawids (miliciens alliés du gouvernement soudanais) attaquent un village au Darfour, il y a une dimension politique, mais il y a aussi la compétition accrue pour l'accès à l'eau.

 


On parlera bientôt de "réfugiés" du climat, de la faim ?

On en parle déjà. Il faut préciser qu'ils ne sont pas des réfugiés au sens juridique - les victimes de guerres ou de persécutions sont protégées par la convention de 1951, qui est un instrument très puissant. Mais la faim et le réchauffement climatique sont aussi des sources de déplacement forcé. Et cela va s'accélérer. Le XXIe siècle sera celui des peuples en mouvement. Malheureusement, la communauté internationale n'est pas prête. Le débat n'est pas objectif, rationnel. On croit parfois qu'on peut tout résoudre par la gestion de plus en plus restrictive des frontières. C'est une illusion qu'on paiera très cher, si on ne s'occupe pas des causes profondes de ces déplacements.

 


Faut-il créer un statut, pour ces nouveaux réfugiés, qui ne relèvent pas de votre mandat ?

Pour l'instant, nous avons des mécanismes de coopération, au sein des Nations unies et de la communauté humanitaire. Il faudrait des instruments de protection plus systématiques. Dans le cas des îles qui vont disparaître, il est évident qu'il faudra trouver des solutions. Ces gens ne peuvent pas devenir des apatrides. Il faut une place pour les accueillir tout en protégeant leurs traditions, leur culture, leur identité.

 


Est-il frustrant de ne pas pouvoir assister ces populations ?

La communauté internationale n'est pas préparée, et c'est très préoccupant, parfois frustrant. Notamment quand les gouvernements ne laissent pas les agences humanitaires aider les personnes déplacées à l'intérieur d'un pays. C'est le cas du Darfour. Ce fut le cas du Myanmar (Birmanie). Il est scandaleux de devoir supplier les Etats de laisser aider leurs citoyens. Dans les années 1990, on parlait d'ingérence humanitaire. Mais, depuis la crise irakienne, certains pays soupçonnent que "la responsabilité de protéger", reconnue par l'Assemblée générale de l'ONU, pourrait dissimuler les désirs de domination des pays les plus puissants. Il nous faut un sursaut de la protection.

 


Etes-vous aussi préoccupé par la crise alimentaire ?
Les 11 millions de réfugiés et 27 millions de personnes déplacées à cause des conflits ont besoin d'aide alimentaire. Elle est fournie par le Programme alimentaire mondial (PAM), qui leur donne la priorité. Mais, naturellement, nous sommes très préoccupés. Quand je vois les difficultés que la Commission européenne a eues pour trouver 1 milliard d'euros pour l'appui à la production agricole dans les pays pauvres, et quand je vois le débat sur les 700 milliards de dollars pour sauver le système financier, il faut reconnaître qu'il y a dans le monde une échelle des priorités qui est profondément immorale...


La planète ne traite pas bien ses réfugiés ?

Les Etats ont le droit de garantir la sécurité de leurs citoyens, de définir leur politique de migration, mais ils ont l'obligation de garantir la protection internationale à ceux qui en ont besoin. Il faut dans la gestion des frontières une préoccupation accrue pour garantir aux réfugiés et aux demandeurs d'asile l'accès physique au territoire où ils peuvent bénéficier d'une protection.

Avec la réduction du nombre de guerres, observée par les chercheurs, peut-on s'attendre à une baisse du nombre de réfugiés au sens classique du terme ?

C'était vrai jusqu'en 2006, où nous avons eu une réduction annuelle du nombre de réfugiés, notamment à cause de la fin des conflits au Liberia ou en Sierra Leone, et même, a-t-on pensé, en Afghanistan. Mais, depuis, on a assisté à une intensification des conflits. Certains peu connus du public, comme en Centrafrique. D'autres bien visibles comme l'Afghanistan, la Somalie ou le Soudan. Du fait de cette multiplication des guerres, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur des Etats est de nouveau en hausse.

 


Où se trouvent tous ces réfugiés ?

L'écrasante majorité des réfugiés vivent dans des pays du Sud, le Pakistan, l'Iran, la Syrie... Leur objectif, c'est de rentrer chez eux dès que la sécurité le permet. Lorsqu'on débat du problème de réfugiés dans les pays européens, on a parfois l'idée que l'Europe est envahie. Ce n'est pas le cas.


Propos recueillis par Philippe Bolopion
Article paru dans l'édition du Monde du 28 septembre 2008.

Tag(s) : #Problématiques écologiques
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