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Daniel Cohn-Bendit, co-président du groupe Verts au Parlement Européen, est l'initiateur du grand rassemblement des écologistes en vue des élections européennes du 7 juin prochain. "Europe Écologie" réussit à fédérer les Verts, des militants associatifs, José Bové, les amis de Nicolas Hulot ou encore Antoine Waechter, symbole de l'écologie de droite. Un attelage composite diversement apprécié par les militants et quelques responsables politiques, Dominique Voynet en tête. Daniel Cohn-Bendit est à Lyon ce jeudi 15 janvier pour un grand meeting.




Lyon Capitale : Le grand rassemblement de la famille écologique que vous avez initié est-il destiné à survivre aux élections européennes ?


Daniel Cohn-Bendit : Si l'attelage fonctionne et s'il répond à une attente d'une partie de l'électorat, il est évident que tous ceux qui ont participé à ce rassemblement vont devoir se poser la question. Comment continuer ? La réponse, on ne pourra la donner que le 8 juin. Ce n'est qu'après les élections européennes que l'on saura si on a réussi à constituer un véritable pôle de l'écologie politique digne de ce nom qui répond à une attente d'une partie de la société française.
Avec la création du NPA de Besancenot, du Parti de Gauche de Mélenchon et la déflagration au PS, l'offre apparaît comme très diverse et segmentée.




Avez-vous sondé la possibilité d'une alliance avec certaines forces de gauche ?


Le Parti Communiste et Mélenchon sont des souverainistes et des nationalistes de gauche. Le NPA n'a qu'une stratégie qui est de monter une organisation révolutionnaire. Ils n'ont aucune envie de s'investir dans la politique européenne. Il n'est donc pas question de s'allier avec eux. L'écologie politique que nous proposons sera visionnaire et pragmatique.





Avec le risque de vous voir accuser d'être à droite puisque dans votre rassemblement, il y a des écologistes de droite ?


J'en ai rien à cirer. En quoi je suis de droite ? Qu'on me le démontre ! Quand on a proposé Hu Jia au prix Sakharov (Prix du Parlement Européen pour la liberté de penser, ndlr), le Parti Communiste était contre et les socialistes européens également. Est-ce que j'ai été de droite pour cela ? Quand aujourd'hui on défend une relance écologique pour résoudre la crise, est-on de droite ? J'en ai marre de ces anathèmes qui ne veulent rien dire et qui empêchent le vrai débat de fond. Si M. Mélenchon dort mieux en rêvant de moi en tant que quelqu'un de droite et bien qu'il le fasse !





Ce rassemblement des écologistes a-t-il été compliqué à monter ?


Vous savez que chez les politiques en général et en France en particulier, il y a une maladie de la scission. Vous voyez d'ailleurs que le Parti Communiste, Mélenchon, le NPA, toute l'aile souverainiste et nationaliste de gauche, n'arrivent pas à s'unir non plus. Ce qui est intéressant, c'est que dans l'espace de l'écologie politique, il y a eu cette réaction face à l'intensité des crises auxquelles nous sommes confrontés. On a réussi à travailler sur un socle commun en acceptant qu'il y ait des sensibilités différentes. C'est ça qui peut-être donnera une autre politique plus intéressante qui ne soit pas monolithique, léniniste dans l'âme. C'est l'unité dans la diversité, qui est d'ailleurs le mot d'ordre de l'Union Européenne.




Quel est votre objectif pour ces élections européennes ?


Notre objectif est d'arriver à faire plus de 10% au niveau de la France. C'est un objectif hyper ambitieux. Est-ce qu'on saura être à la hauteur de nos propositions écologiques et économiques face à l'angoisse de l'avenir. C'est la clé du résultat.





Votre objectif n'est-il pas également de pénétrer les anciens blocs de l'Est ?


Oui, c'est ce que l'on fait d'ailleurs. Mais c'est très difficile parce que les Européens de l'Est ont une vision de l'économie et de l'écologie qui était celle des grands partis français d'il y a 15 ans.





Vous proposez un plan de relance écologique avec la création de 5 millions d'emplois. Comment l'imaginez-vous ?


Je crois que les relances nationales ne vont pas fonctionner et tout le monde reparle d'un Keynes écologique. Il faut mettre Keynes à Bruxelles ! Il ne s'agit pas simplement de coordonner les plans de relances nationaux, mais plutôt de penser et d'imaginer une relance européenne intégrée.





Mais il y a eu un plan de relance...


Mais il n'est pas européen ! Il y a une accumulation de plans nationaux. Il y a un mensonge fondamental de la présidence française. La politique de Sarkozy a consisté à dégrader la Commission en transformant le président de la Commission Européenne, M. Barroso, en un simple secrétaire. Barroso n'a pas été à la hauteur. Il aurait dû dire que le plan de relance n'en était pas un. Il y a une coordination des plans nationaux qui sont définis selon des critères nationaux. Mais ça ne fonctionnera pas car il ne peut y avoir de réponse nationale aux crises auxquelles nous sommes confrontés. L'échelle européenne est l'échelle nécessaire.


Nicolas Sarkozy a arraché un accord avec ses partenaires européens sur le climat que vous avez critiqué. Que lui reprochez-vous ?


D'abord, il y a un accord, dont acte. Ce n'était pas évident au départ, mais on est en deçà du nécessaire. C'est toujours ça le problème. Il fallait aller plus loin. Ce que je reproche aux gouvernements européens, c'est de ne pas être à la hauteur du nécessaire et que personne ne le dise.




Un certain nombre de mécanismes ont tout de même été acquis avec la règle des "3X20". (Réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation et réaliser 20% d'économies d'énergie, ndlr).


Oui mais si pour respecter ces objectifs, vous pouvez acheter des droits de polluer dans les pays du tiers-monde, c'est aberrant. C'est un nouveau colonialisme ! De toute façon, très rapidement, on va s'apercevoir que c'est insuffisant et donc tout le débat va repartir avec les négociations de Copenhague (Négociations de l'après Kyoto pour la période de l'après 2012, ndlr.). Si les Américains et Obama vont à Copenhague avec l'intention d'accélérer la lutte contre la dégradation climatique, les Européens devront alors faire un effort de plus et diminuer les gaz à effet de serre non pas de 20%, mais de 30%. Rien n'est donc réglé aujourd'hui.




L'Europe ne veut plus dépendre du gaz russe afin d'assurer son indépendance énergétique.


L'indépendance énergétique est la seule manière pour l'Europe de défendre son autonomie. L'énergie renouvelable doit être la base de notre indépendance énergétique.


Mais le paquet climat justement y contribue avec 20% d'énergies renouvelables en plus.

C'est pour cela que nous avons voté pour la partie de la directive qui concerne le renouvelable. Mais là encore il faut aller plus vite !





Sur ce point du paquet climat, Sarkozy a réussi...


(Il coupe). Ce n'est pas Sarkozy, c'est les Européens ! Arrêtez de me casser les pieds avec Sarkozy ! Vous faites comme s'il n'y avait que Sarkozy qui faisait de la politique en Europe. Le paquet climat est un effort qui a été défendu au Parlement Européen, par d'autres pays aussi ! Vous êtes tous malades de la France. C'est dangereux ! Parce que l'on parle Europe et l'on ne pense que France ! Quand il se passe quelque chose, ce n'est que Sarkozy ! Si ça n'avait été que lui, ça aurait complètement échoué.





Avec le non des Irlandais au projet de constitution européenne, on en est au 4ème référendum négatif depuis 2001. Comment se sort-on de cette situation ?


Dans les années à venir on va devoir continuer à débattre sur la nécessité d'une constitution européenne qui règle le fonctionnement et qui décline des valeurs et des objectifs sociaux et écologiques pour l'Union. Une constitution européenne ne peut être adoptée que par un référendum européen qui se tiendrait le même jour dans toute l'Europe. Si la majorité des Européens dit oui et qu'une majorité de pays dit oui, alors la constitution est adoptée. C'est le principe de la double majorité. Les pays qui ne l'auront pas adoptée, et qui seront en minorité, devront décider s'ils restent dans l'Europe ou s'ils en sortent.





C'est aussi radical que ça ?

Ben oui ! Dans l'absolu, c'est la seule solution. Quand Sarkozy est arrivé au Parlement Européen au début de sa présidence, il nous disait « l'unanimité tue la démocratie ». Et c'est vrai ! Moi je comprends qu'un pays ne veuille pas continuer l'aventure européenne, il en a le droit démocratiquement.
Concrètement, si la Tchéquie ratifie le traité de constitution en février prochain, 26 pays de l'Union l'auront fait. Il y aura un référendum en Irlande en octobre. S'il ne reste plus que l'Irlande, alors il faudra trouver une solution pour qu'elle navigue dans un petit bateau au rythme de l'Europe sans participer aux décisions de l'Union.





Concernant la Turquie, le débat s'oriente plus vers un partenariat privilégié que vers une adhésion à l'UE. La Turquie est-elle toujours un enjeu pour l'Europe ?


Bien sûr car notre rapport aux pays musulmans est un enjeu. Une solution au Moyen-Orient par exemple passe par la participation de la Turquie. Dans tout le Caucase, on a besoin politiquement des Turcs. Mais le problème de la Turquie aujourd'hui, c'est l'immobilisme de son gouvernement. Tant que ce gouvernement est immobile, la perspective d'adhésion s'immobilise. Je préconise que nous continuions les négociations d'adhésion et dire où la Turquie doit se réformer. C'est un processus qui doit durer entre 8 et 15 ans, ça n'est donc pas la peine de s'énerver au bout de 4 ans ! On mène tout le débat sur la Turquie, comme si on avait à décider en 2009. C'est un mensonge. On n'a rien à décider. On a à continuer le processus et à faire un bras de fer avec le gouvernement turc pour qu'il accélère les réformes. En ce moment, non seulement il ne les accélère pas, mais il les décélère même. En Allemagne, le débat sur la Turquie est le même, on a une véritable angoisse face à l'islam.




Une réforme de la Politique Agricole Commune est prévue en 2013. Où en est la PAC ?


C'est un enjeu mal compris en France. Il faut sortir de ce productivisme qui est devenu destructeur. La PAC qui a défendu la souveraineté alimentaire de l'Europe au début est en train de la détruire et d'organiser une dépendance par rapport à l'agrobusiness. Il faut une réforme écologique de la PAC. Les grandes entreprises de production agraires peuvent vivre sans subventions. Je préconise une redirection des subventions vers une agriculture écologique et surtout arrêter les subventions vers l'exportation.




Quel bilan faites-vous de la présidence française de l'UE ?


Elle a su réagir à des événements comme la guerre en Géorgie avec un aplomb qui a fait du bien à l'Europe. En même temps, il y a eu de grosses erreurs. Je rappelle l'histoire des quotas de pêche qu'on voulait balancer ou le projet d'Union Pour la Méditerranée qui était une affaire très française. Sarkozy n'a pas du tout pensé à l'Europe. Sur le « paquet telecom » (Projet visant à harmoniser les technologies et les tarifs des télécommunications dans l'UE, ndlr), il s'est fait bloquer au Parlement Européen avec un amendement déposé par un socialiste et moi-même. Et que fait-il ? En méconnaissance totale du fonctionnement européen, il écrit à Barroso pour lui demander de retirer cet amendement. C'est ça aussi Sarkozy ! Il a une vision de l'Europe qui est une vision du fonctionnement des institutions françaises. Au bluff, il peut faire des choses comme sur la crise géorgienne ou le paquet climatique où il réussit un accord. Mais il n'a pas non plus réussi à faire bouger la gouvernance économique de l'euro. Là dessus, il n'a fait que s'agiter.





Comment interpréter le comportement d'Angela Merkel qui s'est mise en retrait de la politique européenne ?


Face à la crise, elle a une vision nationale de l'économie. C'est une erreur fondamentale de croire que l'Allemagne peut s'en sortir avec la seule défense de son industrie. Le problème de l'Europe aujourd'hui, c'est que vous avez un hyper activisme de Sarkozy qui est une manière de voir et de faire très française. Vous avez un hyper immobilisme de Merkel et donc, en fait, vous avez une Europe bloquée. Parce qu'entre l'hyper activisme et l'hyper immobilisme, il n'y a pas une position franco-allemande capable de donner une dynamique à l'Europe.




Entretien dans LYON CAPITALE du 15 janvier 2009.




Daniel COHN-BENDIT ménera la liste EUROPE ECOLOGIE en Ile de France lors du scrutin du 7 juin 2009.




Tag(s) : #Elections européennes 2009
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