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Dans son rapport intitulé "Cash!" , l’ONG Clean Clothes Campaign, accuse Carrefour, Lidl et Walmart de cautionner les conditions de travail douteuses chez leurs fournisseurs du Sud Est asiatique. Et remettent en cause, une  fois de plus, la pertinence des codes de conduite, censés faire respecter les droits des employés.


Pour deux jeans à 10 euros achetés, le troisième est gratuit. Ce genre de promotion, que proposent régulièrement les grandes et moyennes surfaces, implique un coût de production extrêmement bas, permis par une production en masse dans des pays en voie de développement comme le Sri Lanka, le Bangladesh, l’Inde ou la Thaïlande, où la main d’œuvre est très bon marché.


Mais les conditions de travail de ces employés, majoritairement des femmes, se révèlent indignes d’une grande enseigne internationale, selon les ONG. L’association Clean clothes campaign (Campagne pour des vêtements propres, CCC), avec le soutien de l’ONG Ethique sur l’étiquette, a publié le 10 février un rapport sur l’industrie textile et les pratiques d’approvisionnement des grandes surfaces. "Cash !" révèle entre autre que les conditions de travail des ouvriers qui fabriquent les vêtements vendus en supermarché sont souvent déplorables. Cette étude accuse plusieurs enseignes de grande distribution – Walmart, Tesco, Carrefour, Lidl et Aldi – de faire pression sur les fabricants pour obtenir des prix de vente toujours plus bas. En maintenant ainsi les travailleurs de ces usines dans la misère.


Un salaire de 13,50 euros pour 80 heures par semaine


Plus grave encore : ces fabricants se trouvent dans des pays où le droit du travail est couramment bafoué. La CCC a enquêté auprès de 440 travailleurs des pays du Sud, employés par 30 des usines qui produisent des vêtements pour une ou plusieurs des enseignes de distribution incriminées. « Salaires de misère, horaires abusifs et répression violente des activités salariales » sont monnaie courante selon le rapport de la CCC. Le salaire de base le plus bas relevé par l’enquête est de 13,50 euros par mois chez l’un des fournisseurs de l’Allemand Aldi. Et les heures supplémentaires ne sont quasiment jamais payées, souvent parce que les objectifs de production fixés aux ouvrières sont inatteignables.



Des heures supplémentaires, les employées en font pourtant toutes. Certaines racontent travailler 16 heures de suite. « Les travailleuses d’une usine sri lankaise qui fournit Tesco ont déclaré travailler en moyenne plus de 64 heures par semaine » et jusqu’à 80 heures pour certaines, précise le rapport de la CCC. Quant à se plaindre ou se regrouper en syndicat, c’est inconcevable : « nous ne sommes même pas autorisés à nous parler à l’intérieur ou dans les locaux de l’entreprise. […] Nous ne pouvons même pas imaginer créer un syndicat » explique un travailleur d’une usine indienne fournissant Carrefour. Le rapport Cash ! a relevé plusieurs cas de licenciement de salariés bangladeshis qui se sont syndiqués ou ont tenté de syndiquer leurs collègues.



Des codes de conduite inefficaces ?

Pourtant, les cinq grandes enseignes épinglées par la CCC imposent à leurs fournisseurs des codes de conduite intégrant des critères de rémunération, d’horaires, de non discrimination et de conditions de travail très strictes. « Le groupe Carrefour a adopté une Charte fournisseur en 2000, inspirée de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des principes de l’Organisation internationale du travail. Elle est signée par tous les fournisseurs de produits contrôlés du groupe et affichée dans leurs usines » rappelle une porte-parole de l’enseigne française. Carrefour réalise également des audits sociaux – 609 en 2007 – pour s’assurer de la bonne mise en pratique de cette charte. « En cas de non-conformités, un plan d’actions correctives est mis en œuvre » ainsi qu’un accompagnement des fournisseurs mal notés, ajoute le groupe. Pour renforcer les efforts, l’enseigne travaille également avec plusieurs ONG locales.


Des pratiques d’approvisionnement « répréhensibles »

Les géants de la distribution ont-ils malgré tout leur part de responsabilité dans ce non-respect des standards de travail internationaux ? Assurément, selon la CCC, qui juge les pratiques d’approvisionnement « répréhensibles ». Les enseignes internationales exercent une pression énorme sur leurs fournisseurs pour obtenir les prix les plus bas et les délais les plus courts. Dès lors, les codes de conduite imposés deviennent impossibles à respecter, aussi bien concernant les salaires minimums que les conditions de travail. « Si nous tentons d’appliquer toutes les normes que nous devons respecter […] la production n’aura pas lieu » observe le directeur d’une usine indienne qui fournit Walmart.


Outre la mise en place de mesures de surveillance des pratiques de leurs fournisseurs, la CCC préconise que les GMS « fixent des prix de détail de manière responsable ». L’association pointe également du doigt les gouvernements, leur demandant notamment de « mettre place un cadre légal qui tient les entreprises de la grande distribution responsables des violations des droits des travailleurs dans leurs filières d’approvisionnement ». Dans la même lignée, le groupe Carrefour se dit« demandeur de règles et de normes sur la responsabilité sociale des entreprises et des États ». En attendant que de telles normes voient le jour, ce qui semble assez peu probable, les ouvrières du Sud continueront d’approvisionner les étals promotionnels...sans grand changement.

 
Rouba Naaman sur www.novethic le 2 mars 2009
 
Tag(s) : #Economie
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