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A 51 ans, Pascal Durand a été officiellement élu samedi 23 juin 2012, nouveau secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts après la démission de Cécile Duflot devenue ministre du Logement, obtenant près de 96% des voix lors du vote du Conseil fédéral d'EELV.

 

Souvent présenté comme un homme discret et de consensus, cet avocat d’affaires était jusqu’alors le porte-parole du parti écologiste depuis le congrès de La Rochelle en juin 2011. Proche de Nicolas Hulot, dont il a été le directeur de campagne lors des primaires EELV à la présidentielle de 2011, Pascal Durand fut aussi l'un des grands artisans du rassemblement Europe Ecologie aux européennes de 2009.

 

Pourquoi EELV n'est-il pas plus présent lors des sommets sur le climat pour ne citer que Durban et Rio ?

 

Nous étions évidemment présents lors de tous ces sommets, et si vous vous rendez sur les sites Internet d’Europe Ecologie les Verts (eelv.fr) et des eurodéputés écologistes (europeecologie.eu), vous constaterez que nous avons essayé d’y faire entendre notre voix.

 

Cécile Duflot, votre prédécesseur, est la seule personnalité EELV à avoir obtenu un ministère du gouvernement actuel. Pensez-vous, comme beaucoup, que sa stratégie a principalement servi pour sa carrière personnelle ?

 

Certainement pas. Se mettre, en l’état, des difficultés rencontrées, en situation de responsabilité ministérielle est un acte de courage et non une posture de carrière personnelle. Lorsque l’on connaît la situation du logement en France, l’absence de logements sociaux, les passoires énergétiques et la dégradation des conditions de vie de millions de nos concitoyens, sans parler des sans-abri, on ne peut pas dire que Cécile Duflot ait choisi la voie de la facilité. Je tiens par ailleurs à rappeler que Pascal Canfin, député européen écologiste, reconnu pour son action pour lutter contre les paradis fiscaux et la toute-puissance de la finance, est également devenu ministre du Développement. En ce qui concerne les années passées par Cécile Duflot à la tête du mouvement écologiste : elles ont permis, après un échec à l’élection présidentielle de 2007 et grâce à une stratégie d’ouverture et de rassemblement, à l’écologie politique de disposer cinq années plus tard d’un groupe au Sénat, d’un groupe à l'Assemblée nationale et, grâce aussi à Dany Cohn-Bendit, d’une délégation française très importante au Parlement européen. Nous disposons également d’une présence renforcée dans toutes les régions, et ce bilan institutionnel parle pour elle.

 

Rio+20, échec ou réussite ?

 

Echec sur toute la ligne : incompréhension des politiques de l’urgence et de la gravité des enjeux, qu’ils soient économiques ou sociaux, marginalisation de la société civile, pétitions de principe sans la moindre contrainte, ignorance de la souffrance de la terre, des océans et des êtres humains, incapacité à concilier un modèle de développement partagé par les pays du sud et du nord. Un sommet à oublier. Il faut très très vite que la communauté internationale se ressaisisse et que l’Union européenne et la France jouent un rôle moteur.

 

En dehors de votre positionnement sur le nucléaire, qu'est-ce qui vous différencie du PS ? Quels projets de lois EELV va-t-il amener a l'assemblée ?

 

Une réflexion d’abord : le débat sur le nucléaire n’est que l’un des aspects du grand débat sur la question majeure du 21ème siècle, celle de la transition énergétique, puisque nous devons également réduire notre dépendance au pétrole et nos émissions de gaz à effet de serre. La raréfaction des ressources va contraindre nos sociétés à économiser l’énergie car les coûts vont s’envoler et les plus défavorisés en seront les premières victimes.

Une seconde réflexion : la question n’est pas de savoir ce qui nous différencie du Parti socialiste mais ce que nous pouvons construire ensemble. J’ai dit plus haut que l’écologie politique devait écrire un nouveau chapitre de son histoire, et nous en avons les moyens, celui de convaincre nos partenaires et d’échanger avec la société, pour construire un autre modèle économique et social. Il ne s’agit plus pour nous de dire que l’on veut faire de la politique autrement, il faut faire une autre politique. La difficulté majeure réside dans le fait que le Parti socialiste, comme au demeurant la totalité de la classe politique, n’est pas encore convaincu qu’il n’y aura pas d’issue aux différentes crises que nous traversons, qui ne sont pas ponctuelles mais, hélas, globales et durables, dans la reproduction des vieilles recettes.

Nos propositions de loi, qu’il appartiendra aux parlementaires écologistes de définir, porteront cette idée que les politiques publiques d’aujourd’hui ne peuvent plus ignorer les contraintes du futur, d’autant que ce futur est imminent. Nous devrons concilier l’avenir et le présent, il s’agit là d’un défi que seuls les écologistes, pour l’heure, essayent de relever.

 

Pour être crédible politiquement, un parti écologiste se doit d'être ouvert à toutes les sensibilités, puisque l'écologie n'appartient à personne. Êtes-vous prêt à faire évoluer cette situation en ouvrant vers des personnalités, voire des partis situés à droite, quitte à renier vos accords PS-EELV ?

 

Il ne s’agit pas pour nous de renier des accords, c’est à l’opposé de toutes nos valeurs et pratiques. La France est l’une des dernières démocraties européennes qui élise ses députés au scrutin majoritaire uninominal sans proportionnelle. Cette situation, que nous combattons et dénonçons depuis toujours car elle est fondamentalement injuste, nous oblige, pour être présents à l’Assemblée nationale à construire des accords de majorité. Vouloir disposer, dans une démocratie parlementaire, d’un groupe autonome au Sénat et à l’Assemblée nationale, est parfaitement naturel pour pouvoir défendre des propositions de loi et faire bouger les lignes dans la majorité présidentielle. Ce n’est pas de la cuisine électorale, c’est de la démocratie en actes.

En ce qui concerne le cadre de ces alliances, nous considérons que les pratiques et le projet porté par la droite, essentiellement bâti sur l’exclusion et la discrimination, sa complaisance avec le monde de la finance et les grands groupes boursiers, sont incompatibles avec notre vision solidaire de la société. Pour cette raison et sans la moindre ambiguïté, nous avons fait le choix de construire et participer à la majorité présidentielle autour de François Hollande afin de nous inscrire dans un changement de projet politique. Pour autant, si la loi électorale changeait, et cela fait partie de notre accord avec le parti socialiste, nous pourrions porter de manière totalement autonome, comme nous l’avons fait aux européennes et aux régionales, le projet alternatif des écologistes, absolument irréductible à la vieille politique et vision productivistes, qu’elle soit de gauche ou de droite. Nous sommes écologistes et cela doit suffire à nous définir.

 

Ne trouvez-vous pas totalement irrespectueuse l’attitude des députés écologistes élus pour la plupart avec les voix d’électeurs socialistes qui, hier, ont voté blanc lors de l’élection du président de l’Assemblée ? Qu’ils soient mécontents de n’avoir pas obtenu la commission qu’ils souhaitaient, on peut le comprendre, mais n’y-a-t’il pas d’autre moyen de le faire savoir ? En l’occurrence, ce sont les électeurs qui sont pénalisés par les bisbilles entre écologistes et socialistes. Ce n’est pas très loyal !

 

Il n’y avait aucun danger que Claude Bartolone que nous soutenions, soit battu lors de cette élection puisque le groupe socialiste disposait seul de la majorité absolue. Le vote blanc était donc purement symbolique et marquait le désaccord de nos parlementaires sur le non respect des engagements pris par notre partenaire socialiste. La politique doit porter le respect de la parole donnée, cela est essentiel à la construction de la confiance, non seulement entre nous, mais vis à vis de la société. Il s’agit là de la 1ère marque de loyauté à l’égard de celles et ceux qui ont voté pour les socialistes et les écologistes.

 

Alors que toutes les alertes lancées depuis plus de 30 ans par les écologistes se concrétisent (réchauffement climatique, pollution des eaux, malbouffe, fin du pétrole bon marché, etc) comment expliquez-vous les faibles scores de votre parti ? N'y a-t-il pas un manque de cohérence dans votre message, avec des débats sans fin entre convaincus sur des points de détails ou des questions d'égos, et par contre l'absence d'un vrai travail pédagogique à l'attention de l'ensemble des Français ?

 

Je partage totalement votre souhait de voir porter une écologie de la pédagogie, du dialogue. Il faut impérativement, pour faire progresser nos idées et le projet que nous sommes les seuls à défendre, convaincre l’ensemble de la société et donc sortir des discussions sans fin entre convaincus. Pour avoir été l’un des fondateurs d’Europe Ecologie, lors de la campagne des élections européennes de 2009, où nous avons réalisés le score remarquable de 16%, je sais que nous n’y sommes parvenus qu’en faisant voter pour l’écologie politique des citoyennes et des citoyens qui auparavant ne votaient pas écologiste. C’est par l’ouverture et les débats de fond sur l’Europe et l’écologie sans les querelles de personnes, bref en étant nous-mêmes, que nous avons réussi à faire progresser dans la société nos propositions et les rendre crédibles.

 

Après avoir visionné le film «Home» de Yann Artus Bertrand qui montre l’état inquiétant de notre monde au point de vue écologique, je me demande bien quel rôle le ministre de l’écologie de la France peut-il avoir face aux industriels mondiaux qui nous détruisent et nous empoisonnent chaque jour, sans qu’aucune autorité ne puisse les inquiéter. J’en veux pour exemple la reprise des forages en Guyane. Qu’en pensez-vous ?

 

L’Etat de la planète est effectivement très inquiétant et le désintérêt de nombreux chefs d’Etat marqué lors du sommet Rio+20 n’est pas rassurant quant à la prise de conscience réelle des défis qui nous sont lancés. J’ai parfaitement conscience que certains lobbies industriels et de trop nombreux décideurs, y compris politiques, tentent d’opposer l’impératif écologique à l’efficacité économique. Nous savons que c’est exactement le contraire qu’il faut faire. Il n’y aura pas d’avenir solidaire et durable, où que nous nous trouvions dans le monde, sans allier la protection des ressources naturelles, la préservation de notre environnement et l’impératif social. Pour pouvoir nous opposer à ces lobbies et à leurs relais, l’écologie politique doit convaincre de la nécessité de changer de modèle en s’appuyant sur la société civile, en renforçant le rôle des ONG et en protégeant les lanceurs d’alerte. Elle devra également obtenir qu’une organisation mondiale de l’environnement porte de véritables mesures de régulation, et puisse faire contrepoids à l’OMC et au FMI, c’était d’ailleurs l’un des objectifs portés par Pascal Canfin, ministre écologiste, lors du sommet de Rio.

 

Je tiens à remercier les internautes qui ont participé à ce chat. J’espère avoir répondu à leurs attentes, et surtout avoir démontré que l’écologie politique que j’entends porter est faite de tolérance, de respect et d’humanisme. Nous ne devons pas être arrogants, ni même être perçus comme tels. Nous devons construire avec la société un espace d‘échanges et de dialogues ouverts, qui permette à nos idées et nos solutions de s’enrichir du débat et de progresser effectivement. L’éthique de responsabilité et l’urgence des crises nous imposent de réussir.

Tag(s) : #L'avenir d'Europe Ecologie
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