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923622-1094062Article de Libération du 2 novembre 2010 par Mathieu Ecoiffier

 

 

Interview d' Eva Joly, possible candidate en 2012 d'Europe Ecologie, revient sur le conflit des retraites et précise les grandes lignes de son projet en matière économique et sociale.

 

 

Quelles leçons tirez-vous du mouvement contre la réforme des retraites ?

 

Je retiens combien a été vive la réaction de la société civile face au passage en force. On ne gouverne pas un pays contre lui-même. Le gouvernement a suivi une ligne comptable bête et méchante qui rend la réforme injuste et ne règle pas le problème. Ceci dit, la loi n’est pas encore promulguée. Il va y avoir un recours devant le Conseil constitutionnel. On fait porter la totalité du poids et du coût de la réforme sur une partie de la population, ceux qui ont commencé à travailler tôt, c’est-à-dire les ouvriers et les artisans, les femmes et les précaires. La réforme des retraites sera un grand sujet de 2012 !

 

 

Dans ce conflit, Europe Ecologie n’est guère apparue comme une alternative crédible.

 

On n’a pas vraiment l’habitude de nous entendre sur les questions économiques et sociales. Et nous sommes une nouvelle force. Nous avons pourtant fait des propositions créatives comme la période de transition entre le travail et la retraite. A nous d’arriver à crier plus fort.

 

 

Vous revendiquez une écologie sociale fondée sur le réalisme budgétaire. Comment comptez-vous dégager des marges de manœuvre ?

 

Nous pensons que toutes nos propositions doivent être ancrées dans la réalité budgétaire. Nous sommes dans une situation catastrophique créée depuis dix ans par les gouvernements successifs qui, en abaissant les impôts des plus aisés, nous ont privés de 100 milliards d’euros de recettes annuelles. Et ont constitué un mur de dettes de 1 500 milliards. C’est l’idéologie dominante libérale qui a voulu faire croire que l’on pouvait s’endetter à l’infini.

 

 

Quels sont les principaux axes de votre contre-projet de budget 2011 ?

 

Avec un budget économe, juste et stratège, nous pourrions dégager 28 milliards d’euros et consacrer la moitié de cette somme à la réduction de la dette. Comment ? Il y a les recettes venant de la suppression des niches fiscales socialement inefficaces (14,8 milliards) comme l’exonération des charges sur les heures supplémentaires (4 milliards), les crédits d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobiliers (1,5 milliard), la baisse de la TVA sur la restauration (3), et, évidemment, le bouclier fiscal (0,7). Nous réformons le crédit impôt-recherche pour supprimer ses effets d’aubaine et le consacrer aux recherches d’utilité écologique et sociale (1,8). Nous réservons les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires aux emplois d’au moins trente heures par semaine pour qu’elles n’incitent pas aux boulots précaires (4,5). Et nous supprimerons la niche Copé sur la cession de filiales.

 

 

Et côté impôts ?

 

Nous créerons une fiscalité plus juste. Les riches ne payent en moyenne que 20% d’impôt sur le revenu, un des plus bas niveaux d’Europe. En quinze ans, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu est passée de 57% à 40%. Nous reviendrons à une imposition de 50% pour les revenus supérieurs à 70 000 euros par an. Et nous créerons deux nouvelles tranches : 60% pour les revenus entre 100 000 et 500 000 euros et 70% au-delà. Nous taxerons aussi les revenus des actions, des obligations et les produits financiers comme ceux du travail. Je n’ai jamais compris pourquoi on était moins imposés sur des revenus qu’on obtient plus facilement. Enfin, nous lutterons contre la fraude en augmentant de 25% le nombre de contrôleurs des impôts pour recouvrer 3 milliards sur les 40 perdus annuellement.

 

 

Comment peut-on favoriser une fiscalité écologique ?

 

Nous supprimerons les exonérations sur les pesticides et les agrocarburants, ainsi que la réduction de la taxe commerciale qui a un effet d’étalement urbain. Et il faut augmenter le malus des voitures dévoreuses d’essence et aligner la taxe du diesel sur l’essence en cinq ans. Au total, on dégage 14 milliards pour la transformation écologique : fonds de soutien à la conversion écologique des industries et crédit de formation pour 500 000 personnes dès cette année, aides à l’isolation et aux économies d’énergie, amélioration des transports en commun… On reviendra sur la suppression des postes dans l’éducation et la recherche et on mettra 1 milliard dans le logement social et 3,2 milliards dans la solidarité sous forme d’augmentation de 25% du RSA étendu aux moins de 25 ans. Bref, être écologiste c’est être économe, solidaire, investir dans les femmes et les hommes et dans l’économie de demain.

 

 

Pourquoi dites-vous que vous ne serez pas la candidate écologiste qui «propose de prendre des douches froides dans le noir» ?

 

Pour répondre à ceux qui nous caricaturent. Nous sommes pour une écologie de la sobriété joyeuse. Une écologie responsable, ce n’est pas un calvaire.

 

 

Selon Eric Woerth, vous êtes «une femme politique d’extrême gauche» qui «jette son venin […] avec de petites idées et une grande bassesse»…

 

Je trouve assez amusant qu’il me trouve trop à gauche et que d’autres pas assez. J’ai marché sur la queue du serpent et ça fait mal. Mes analyses sur l’affaire Woerth-Bettencourt ont été convaincantes et participé au dessaisissement de Philippe Courroye. Et cela leur fait très peur.

 

 

Vous avez rencontré Martine Aubry, choquée par le rappel de votre mise en examen de Dominique Strauss-Kahn.

Oui. Nous nous sommes croisées par hasard dans un restaurant à Montparnasse. Et sommes convenues de nous voir bientôt. Mais il n’y a plus aucun malentendu entre nous.

 

 

Tag(s) : #L'avenir d'Europe Ecologie
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