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Par Pascal Canfin, député européen EUROPE ECOLOGIE

 


Trader fou ou système financier détraqué ? Ce n’est pas à moi de juger ce qui relève de la responsabilité personnelle de Jérôme Kerviel et de celle de sa hiérarchie à la Société Générale. Mais cette affaire met à jour les dérives d’un système bancaire qui privilégie la spéculation à court terme au financement de l’économie réelle. En effet, les cinq milliards d’euros perdus par le trader ne l’ont pas été dans des opérations réalisées pour les clients de la Société Générale (difficile de voler cinq milliards dans la caisse), mais sur des opérations de compte propre, autrement dit la spéculation de la banque sur les marchés financiers.

 


Ces opérations consistent pour les banques à prendre des paris sur les marchés financiers avec leurs fonds propres, afin de maximiser leur rentabilité. En effet, les grandes banques d’investissement disposent d’une information très utile : les ordres passés par leurs clients. Quand vous connaissez les intentions d’une large partie des participants d’un marché, il est plus facile de faire les bons choix au bon moment. Difficile de perdre au poker quand vous avez la possibilité de voir une partie du jeu de vos voisins de table. Un conflit d’intérêt évident qui explique la grande discrétion des banques sur ces activités (je vous invite à rechercher un terme comme compte propre dans le document de référence de BNP Paribas et de Société Générale pour constater le mutisme de ces deux banques sur ces sujets). Pour autant, ces opérations ne sont pas sans risques. Même si on peut espérer que la Société Générale ait renforcé son système de contrôle interne, quand les marchés chutent, les banques même les mieux informées peuvent voir leurs paris échouer.

 


Au Parlement européen, nous travaillons au sein de la Commission des Affaires économiques et monétaires sur un durcissement des règles qui régulent les banques —les exigences de capitaux propres— qui devraient fortement pénaliser ces "activités pour compte propre". En effet, nous pensons que les banques doivent s’assurer qu’elles sont en mesure de couvrir les risques qu’elles prennent sur les marchés avec leurs propres fonds, et non avec ceux de leurs clients. Des propositions qui font hurler les grandes banques d’investissements à commencer par BNP Paribas et Société Générale. Ces mêmes banques qui menacent, de manière voilée, de ne plus financer l’économie réelle alors qu’elles continuent à engranger des bénéfices faramineux et distribuent de confortables dividendes. Ce discours trouve malheureusement écho auprès de certains de mes collègues députés européens, malgré l’absence d’étude d’impact sérieuse à ce stade (le comité de Bâle, qui est chargé des normes bancaires internationales utilisées par l’Union européenne, a lancé cette étude).

 


De la même manière, le groupe des Verts reste encore minoritaire quand il demande une véritable évaluation de l’utilité sociale de l’innovation financière —celle du livret A, qui finance le logement social est peu discutable. Une évaluation justifierait l’interdiction de certains produits ou pratiques dont les risques potentiels apparaissent supérieurs à leur bénéfice immédiat.

 


Au-delà du différend entre un trader et une banque, le procès Kerviel est bien celui d’un système: celui de la capacité des banques à spéculer pour leur propre compte. Faudra-t-il à mes collègues libéraux et conservateurs un autre Kerviel pour changer d’avis ?

 

Tag(s) : #Economie
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