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Jérôme Gleizes, délégué au programme des Verts.

La crise actuelle n'est pas une crise financière mais une crise globale : records mondiaux pour les prix du pétrole, de l'or, de nombreux métaux, de produits alimentaires comme le riz ... mais aussi record de températures, disparition accélérée d'espèces animales ou végétales. Tous ces records apparemment singuliers s'inscrivent dans des temporalités différentes, non forcement liées causalement mais leur conjonction est dangereuse car elle amplifie les différentes crises.
Pour résumer, la crise des subprimesest aggravée par une crise de régulation économique et amplifiée par les crises écologiques. Aujourd'hui, l'humanité se trouve confrontée à une question politique majeure, exprimée par André Gorz dans son dernier article très clairvoyant sur le devenir de nos sociétés : « La sortie du capitalisme aura donc lieu d'une façon ou d'une autre, civilisée ou barbare. La question porte seulement sur la forme que cette sortie prendra et sur la cadence à laquelle elle va s'opérer. »
Le mécanisme initial de crise est simple : Le retournement de la croissance américaine a poussé à la hausse des taux d'intérêt et aggravé la précarité des ménages. Cela a provoqué de nombreux défauts de paiement et une insolvabilité des débiteurs et par ricochet un besoin de refinancement des banques. Cela a amplifié la crise du bâtiment et de l'immobilier (l'augmentation des saisies augmentant l'offre immobilière dans un contexte de demande déprimée).
Avec le système des subprimes, les créances avaient été titrisées, pour mutualiser les risques tout en préservant des rendements élevés pour les institutions financières. Mais cette dilution des créances a, au lieu de mutualiser les risques, provoqué une augmentation de l'incertitude et paralysé les acteurs financiers et le refinancement interbancaire, comme le montre le cas de la Northern Rock. Cette complexification des marchés financiers a provoqué une diffusion du risque jusqu'à devenir un risque systémique par contagion à d'autres segments de marchés financiers et d'autres pays.
Les banques centrales ont du alors jouer leur rôle de prêteur de dernier ressort et de garant de la viabilité du système bancaire en intervenant sur les marchés monétaires. Mais depuis le déclenchement de la crise au mois d'août 2007, les dépréciations d'actif s'accumulent. La crise de liquidité devient une crise de solvabilité :
l'insolvabilité initiale des ménages américains est en train de contaminer le secteur bancaire et financier. La valeur du patrimoine et le niveau de revenu des agents sont insuffisants pour faire face au volume des dettes et aux échéances de remboursement. Et aujourd'hui, pour la première fois depuis 1929, la Réserve fédérale américaine a refinancé une banque, Bear Stearns pour des créances peu solvables, ce qui in finesignifie qu'elle risque d'effacer des dettes. A ce jour, le FMI a évalué le coût de la crise à 945 milliards de dollars. Cette crise financière se surajoute et alimente une crise de régulation économique. Le régime fordien de croissance d'après guerre est en crise depuis la fin des années 60 et n'a pu se poursuivre que par le financement par crédit de la première puissance économique mondiale, les États-Unis, devenue locomotive de la croissance mondiale (28 % du PIB mondial). Or, aujourd'hui, la dette américaine à la fois privée et publique dépasse 12 250 milliards de dollars. Ce n'est pas la première fois que les EU se trouvent surendettés mais cette fois-ci, les créanciers, dont le premier la Chine, ne vont pas forcement accepter de subir une dévaluation de leurs créances du fait de celle du dollar, comme l'avait fait le Japon en réévaluant sa monnaie dans les années 90. Ils risquent alors de stopper leurs investissements tant industriels que financiers aux EU, réduire leurs créances détenues en dollar et ainsi arrêter de réinjecter les dollars accumulés suite aux déficits commerciaux et budgétaires américains. A ce problème de financement de la croissance, s'ajoute une crise interne du régime de production. Ce régime de croissance était basé sur le compromis fordien, c'est-à-dire l'échange d'un pouvoir d'achat par augmentation des salaires contre une croissance de la productivité du travail et une « pacification » des relations salariales. Ce compromis a permis un rythme soutenu de consommation permettant d'écouler la production. Cette production était taylorisée. La concurrence internationale des produits nationaux était faible, d'où peu de contrainte extérieure. L'État intervenait comme stabilisateur de la croissance et le crédit bancaire était facile à obtenir.
Mais comme l'a montré entre autre, André Gorz, l'informatisation et la robotisation ont mis à mal ce compromis en permettant de produire beaucoup plus avec beaucoup moins de travail. La production, l'emploi et les salaires (de tous) n'augmentent plus simultanément. Aujourd'hui, les gains de productivité du capital provoquent une baisse des coûts de production et donc des prix de vente des produits manufacturés, ce qui entraîne une baisse des profits et une course accélérée à la réduction des coûts, à de nombreux licenciements ou des délocalisations. L'investissement productif devient de moins en moins rentable, amplifié en cela par la hausse du prix des matières premières (et donc des coûts de production incompressibles). Nous assistons insidieusement à une augmentation des arbitrages au bénéfice des investissements financiers et des acquisitions externes d'entreprises au cours des années 80 et 90. Aujourd'hui, le total des actifs financiers représente 3 à 4 fois le PIB mondial, générant « une immense bulle spéculative au cœur même du système industriel ». A ce déséquilibre capital industriel/capital financier s'ajoute aussi un déséquilibre entre classes sociales, une paupérisation croissante des populations ne bénéficiant plus du compromis fordien. Aujourd'hui, la croissance repose sur moins de personnes, ce qui provoque inéluctablement des tensions sociales tant entre les pays qu'à l'intérieur de chacun d'entre eux.
Crise économique, crise écologique
Une sortie de crise pourrait s'entr'apercevoir avec la montée en puissance de la Chine, de l'Inde comme nouveau moteur de la croissance mondiale. Mais chose inédite dans l'histoire de l'humanité, le monde se trouve confronté à l'épuisement de ses ressources naturelles, confirmée par la hausse de prix continue de celles-ci, révélatrice d'une insuffisance de l'offre vis-à-vis de la demande. Cela s'ajoute à la crise climatique, due aux gaz à effet de serre. Cette crise provoque une baisse des rendements agricoles et de la production, donc une hausse des prix des denrées agricoles (hausse amplifiée par la réduction des terres arables à cause de l'étalement urbain et d'une politique en faveur des agro-carburants). L'inflation ne peut être contenue que par des mesures compensatrices par les gouvernements. De nombreuses émeutes ont eu lieu en Afrique ou en Asie, suite à des hausses de produits de base comme le riz. Mais cette inflation n'ayant pas une origine monétaire, elle ne peut être combattue par une politique monétaire restrictive comme s'échine à le faire la BCE. Une relance keynésienne classique par la hausse de la consommation n'est plus possible comme durant les trente glorieuses car cette croissance, prédatrice en ressources naturelles, entraîne des tensions sur l'ensemble des marchés de matières premières, amplifiées par les marchés financiers de produits dérivés. De même, l'effet rebond (augmentation de consommation liée à l'amélioration d'une technologie) amplifie ce phénomène. La globalisation des modèles de production et de consommation font qu'aujourd'hui la croissance des uns ne peut être compensée que par l'exploitation des autres. Le seul critère pertinent, l'empreinte écologique, montre aujourd'hui qu'il faudrait 3 planètes pour généraliser le mode de consommation français.
Une véritable politique structurelle mondiale, au minimum européenne est indispensable pour éviter les effets rétroactifs des différentes sorties de crise. Il faut modifier le modèle productif pour réduire la prédation des ressources de la planète mais il faut aussi modifier les rapports sociaux. L'écologie politique fait priorité d'une réforme de politique de transformation sociale et écologique à travers une vision territoriale (respect des écosystèmes, relocalisation des productions/consommations), la substitution de la logique concurrentielle de l'économie marchande par celle coopérative de l'économie sociale et solidaire, la création d'un nouveau compromis social à travers l'instauration de revenu social garanti et de monnaies locales, la prise en compte des réfugiés climatiques. La gauche et les écologistes peuvent trouver un terrain d'accord sur des politiques d'investissement ciblés, sur des régulations financières et institutionnelles sortant de la logique libérale, revoir la logique des relations Nord/Sud.

Tag(s) : #Economie
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