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Intervention d’Eva Sas, responsable de la commission économie des VERTS, à la journée parlementaire des Verts Europe Ecologie du 21 septembre 2009

 

   

Quelle doit-être la contribution de la France à la lutte contre le changement climatique ?

 

La France, comme tous les pays industrialisés, a un effort considérable à accomplir pour lutter contre changement climatique puisque les français émettent en moyenne 13 tonnes de gaz à effet de serre par an par habitant, alors que pour maintenir l’augmentation de la température moyenne en dessous de 2°C, il faudrait que chaque habitant de la terre en émette en moyenne un peu plus de 2 tonnes en 2050 [1] Or nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire, et en particulier, Gael Callonec, économiste à l’Ademe, rappelait que les émissions diffuses, celles du transport et du logement, continuent à progresser.

 


Pourquoi une éco-taxe, la Contribution-Climat-Energie, plutôt que d’autres outils de réduction des émissions de Gaz à effet de serre ?

 

Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il y a 3 types d’outils, les normes réglementaires, les quotas et les eco-taxes.


Le plus efficace pour limiter les émissions diffuses est l’éco-taxe.


Pourquoi ? La taxe est beaucoup plus simple à mettre en oeuvre qu’un quota carbone individuel qui demanderait une infrastructure technique compliquée et de nombreux controles pour mesurer les dépenses carbone de chaque individu. Par ailleurs, la taxe est beaucoup plus efficace que la norme car elle limite l’effet rebond. On peut fixer une norme de performance énergétique élevée pour un équipement (et l’accompagner d’un bonus-malus), mais on observe qu’alors, il est souvent plus utilisé, d’où un impact très limité sur les émissions de gaz à effet de serre. C’est l’effet-rebond. Alors que la taxe incite à limiter globalement ses émissions, sans effet rebond. L’objectif de la taxe Carbone ou Contribution Climat Energie n’est pas de punir les consommateurs d’énergie, mais de donner un prix au Carbone, et de rendre ainsi rentables les techniques qui préservent notre climat. L’évolution du prix du pétrole est aujourd’hui trop volatile pour permettre aux entreprises de développer des innovations ou aux ménages d’investir dans des équipements dont ils ne peuvent savoir si les économies qu’ils vont générer permettront de rentabiliser l’investissement.

 


Quel est le mécanisme de la Contribution-Climat-Energie ?

 

La Contribution-Climat-Energie est une taxe sur les énergies fossiles (fioul, essence, gasoil, gaz, charbon, GPL) assortie d’une compensation. Le prix fixé par le gouvernement à 17€ la tonne de CO2, conduit par exemple à une augmentation de 4 centimes par litre d’essence, et en moyenne un ménage paierait 102 euros par an de taxe. On paie donc la taxe en fonction de sa consommation de carburant, de gaz et de charbon, en revanche, on reçoit une compensation forfaitaire (46 euros par adulte et 10 euros par enfant en zone urbaine ; 62 euros par adulte et 10 euros par enfant en zone rurale).

 


En quoi sommes-nous en désaccord avec les arbitrages rendus par le gouvernement ?

 

Nous sommes globalement déçus des arbitrages qui ont été pris par le gouvernement sur cette Contribution Climat Energie. C’est pour nous vraiment un rendez-vous manqué. Nous avons au moins 6 points de desaccord sur les arbitrages rendus, 6 points sur lesquels nous attendons que nos parlementaires bataillent au parlement.

 

1/ D’abord, à 17 euros le niveau de départ est trop faible.

La conférence de consensus avait abouti à un accord autour d’un niveau de départ à 32 euros la tonne. A 17 euros, la taxe aura très peu d’impact sur le climat : à 17 euros, on peut espérer à 2/3 ans une baisse des emissions de CO2 comprise entre 2,1 à 4,0 %, alors qu’à 32 euros, on pouvait espérer entre 4 et 7,5 %. L’argument d’alignement sur le prix de la tonne sur CO2 sur le marché européen d’échange des quotas des entreprises ne tient pas car l’industrie est en récession et cela affaiblit le besoin d’acquisition des quotas de CO2. Ce prix pourrait repartir à la hausse en cas de reprise. La taxe suédoise a été créée en 1991 à 27 euros la tonne de CO2 et atteint aujourd’hui 100 euros la tonne, et en 20 ans, la Suède a diminué de 20 % ses émissions.

 


2/ Ce ne serait pas si grave que le niveau de départ soit faible, si on avait un engagement sur la progressivité. Ce n’est pas le cas. Le Rapport Rocard montrait que pour diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, il fallait atteindre 56 euros en 2020, et 100 euros en 2030, A partir de là, il y a 2 possibilités :

- Soit on va augmenter la taxe de 12 % par an pour atteindre les 56 euros en 2020, et il faut le dire aux français,

- Soit on n’atteindra pas les objectifs du Grenelle de l’environnement.

 

Et compte tenu des échéances électorales, on peut craindre que le gouvernement n’augmente pas la taxe avant 2013, qu’on prenne ainsi beaucoup de retard, et qu’on ne suive pas la trajectoire nécessaire pour atteindre les objectifs de limitation des gaz à effet de serre.

 


3/ On exclut l’électricité de l’assiette de la taxe Carbone.

Le gouvernement veut faire croire que la production d’électricité en France n’est pas carbonée, alors que la production d’électricité représente 8 % des émissions françaises de gaz à effet de serre. De plus, en exonérant l’électricité de la taxe, on soutient la demande d’électricité par rapport au gaz ou au fioul, alors que l’enjeu est de maitriser globalement notre consommation d’énergie, et non pas de favoriser une énergie par rapport à une autre.


 

4/La contribution ne traite que des émissions de Co2 et non des autres gaz à effet de serre, comme le méthane. Elle ne traite donc qu’une partie du problème.


 

5/ Le gouvernement exonère partiellement l’agriculture, la pêche, les transports routiers.

Les arbitrages ne sont pas encore rendus, mais les propositions d’exonérations de près de 75% de la taxe pour l’agriculture, ont de quoi inquiéter. On rate ainsi l’occasion d’engager une transition progressive de ces secteurs qui sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre.


 

6/Enfin, aucune aide significative à la transition énergétique n’ accompagne la taxe carbone, aucune subvention individuelle pour aider les français à changer leurs équipements de chauffage, à isoler leur logement, etc. On y reviendra, mais c’est un point essentiel pour que cette réforme soit efficace, et pour qu’elle soit comprise.

 

Voilà les différentes raisons pour lesquelles nous, écologistes, nous ne nous sommes pas retrouvés dans cette réforme.

 

 


Pourquoi la Contribution Climat Energie a-t-elle suscité des doutes et des questionnements, légitimes, dans la société française ?

 

C’est au fond la première fois qu’il y a dans la société française un débat large autour de la fiscalité écologique, et nous devons comprendre les réticences qui se sont exprimées. On ne peut pas dire qu’il y ait eu une hostilité majoritaire, puisque le sondage CSA-UFC Que Choisir ? montrait en substance que 52 % des français étaient pour s’il y avait compensation, mais il y a eu des questionnements et il faut les comprendre.

 

- S’il y a eu des doutes, c’est d’abord, parce que les français jugeaient cette réforme majoritairement inefficace La question nous a été posée maintes fois : à partir du moment où il y a compensation intégrale, pourquoi les comportements changeraient-ils ? Le gouvernement a peu et mal communiqué sur la compensation. Selon Alexis Brezet du Figaro : « mieux vaudrait un système de bonus malus ». Mais la Contribution-Climat-Energie est un système de bonus/malus ! La compensation est fixe alors que la taxe varie avec votre consommation. Si on consomme moins que la moyenne on a un bonus, et si on consomme plus on a un malus. Mais cela a été très mal expliqué dans la communication qui a entouré la taxe Carbone.

 

- Ensuite et peut-être surtout, les Français ont mal perçu cette Contribution-Climat-Energie parce qu’ils la trouvaient injuste. Les Français ont trouvé cette taxe Carbone injuste, parce que ce gouvernement depuis le début multiplie les cadeaux fiscaux aux plus riches. Faut-il rappeler les 400 millions du bouclier fiscal, et avant cela, les 10 milliards de la reforme Villepin sur l’impôt sur le revenu ? Les Français ont eu le sentiment qu’on fait des cadeaux aux plus riches, alors qu’à eux, on ne leur fait pas de cadeaux ! De fait, la Contribution Climat Energie aurait été beaucoup mieux reçue si la compensation avait été versée sous condition de ressources, comme nous le proposions. Les plus aisés n’ont pas besoin de cette compensation.

 

- Enfin, les Français l’ont trouvé, pour certains d’entre eux, à la fois inefficace et injuste, parce ils ont eu le sentiment qu’on les pénalisait s’ils consommaient beaucoup d’énergie, sans leur donner les moyens de réduire leur consommation.

C’est en partie juste mais il faut démeler le faux du vrai. - Ce qui n’est pas vrai, c’est que personne ne peut rien faire. On l’a bien vu, l’année dernière en 2008 quand le prix du pétrole a augmenté de près de 13 % en un an, la consommation de super a baissé de 8 %. Nos concitoyens ont adapté leur conduite et leur mode de vie pour consommer moins. L’autre élément, c’est qu’il faut penser cela dans le temps. Selon, le climatologue Jean Jouzel, les choix qui vont être faits dans les années qui viennent vont prendre en compte un prix de l’energie élevé. Donc rares sont les personnes qui réellement ne peuvent rien faire. -Mais ce qui est vrai et c’est que les ménages les plus modestes auront plus de difficulté à réduire leur consommation, parce qu’ils sont locataires, parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire les investissements nécessaires : changer de voiture, faire des travaux d’isolation ... Et c’est pour cela que les écologistes demandent que la compensation soit plus importante pour les ménages les plus modestes, et qu’il y ait des aides directes à la transition énergétique, des subventions individuelles aux économies d’énergie. Le gouvernement ne l’a pas fait et c’est un grave défaut de cette réforme.

 

Certaines mesures sont prévues dans le Grenelle 2 comme le prêt à taux zéro ou l’extension du crédit d’impôt pour les travaux d’isolation à la main d’oeuvre, mais d’une part ces mesures ne viendraient qu’après la mise en place de la taxe Carbone, donc on met la charrue avant les bœufs, et d’autre part, elles sont encore insuffisantes, parce que les ratios prudentiels font que tout le monde n’aura pas accès au prêt à taux zéro, et parce que, quand on est locataire, on ne maitrise pas son mode de chauffage.


 

En conclusion, nous pouvons dire que ce débat national nous a confortés dans nos positions. Nous avons toujours défendu qu’on ne peut pas penser mesures de protection de l’environnement sans penser justice sociale, et qu’on ne peut pas envisager une fiscalité environnementale, sans repenser l’ensemble de la fiscalité pour la rendre plus juste.

 

[1] Voir http://alaingrandjean.fr/2009/09/06/la-taxe-carbone-le-plus-juste-des-impots/.

Tag(s) : #Déreglement climatique
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